Wintersong

Chorégraphie : Hanna Kiel, Alyssa Martin, Rodney Diverlus & Carol Anderson

Distribution : Canadian Contemporary Dance Theatre

Musiques : Greg Harrison and Frances Miller, Telehorn, Clifford Brown & Theon Cross, Kirk Elliott

A day of light-ch.Hanna Kiel

Parmi les compagnies de danse qui font la richesse de Toronto, il y a le Canadian Contemporary Dance Theatre, dont la mission est d’offrir à de jeunes danseurs – moins de 19 ans – la possibilité de jouer dans une production professionnelle afin de leur donner de la visibilité à l’aube de leur carrière. Cette compagnie est dirigée depuis plus d’une trentaine d’années par Deborah Lundmark et Michael deConinck Smith.

Sur la rive du Lac Ontario, au soir des retrouvailles avec le public au Fleck Dance Theatre, l’émotion était palpable. En effet, comme la plupart des compagnies canadiennes, celle-ci n’avait pas accueilli de public depuis le mois de mars 2020. C’est donc naturellement, avec le spectacle Wintersong, que les danseurs ont fait leur retour sur les planches. Cette production annuelle, dont le programme est renouvelé chaque saison à l’approche du solstice d’hiver, est composée de classiques du répertoire de la compagnie, comme Nowell Sing We de Carol Anderson et de nouveautés dont certaines sont créées spécialement pour l’occasion comme sagittarius, meet capricorn du chorégraphe et activiste Rodney Diverlus.

La soirée, qui regroupe quatre pièces, débute avec A Day of Light d’Hanna Kiel (2018). Cette pièce qui s’ouvre sur l’image d’une danseuse seule aux premières lueurs de l’aube, se transforme rapidement en ode à la joie et à la lumière. Prenant pour point de départ le retour des jours qui s’allongent, la chorégraphie plonge dans un univers sacré, où les danseurs expriment leur bonheur de sentir la belle saison qui revient. Les mouvements, alternance de calme et de puissance avec une touche de déséquilibre et d’humour, sont bien exécutés par la jeune troupe. Celle-ci s’approprie des références à la danse irlandaise tout en profitant du plaisir d’être à nouveau réunie dans une ronde vibrante au fil des tableaux qui se succèdent.

Un changement d’ambiance radicale est opéré pour la deuxième pièce, Star Seed d’Alyssa Martin (2020). Les joyeux lurons laissent place à six personnages dans des costumes bleus futuristes. Les mouvements sont ceux d’humains robotisés, torturés par les injonctions du monde qui les entoure. Les cris et les rires jaillissent entre les pas. Les danseurs – qui se retrouvent aussi à chanter à la manière d’un groupe de new wave – nous montrent avec beaucoup de tact que la perfection n’est pas de ce monde, même si elle s’invite à tout moment dans leur esprit. Cette pièce drôle et spirituelle est particulièrement amusante à travers l’humour qui s’en dégage.

Après l’entracte, la troisième pièce est aussi la plus attendue : sagittarius, meet capricorn de Rodney Diverlus est une explosion sur fond de jazz déchaîné. Tout commence en étant rythmé par le souffle des danseurs, habillés dans des tenues fluos d’un goût kitch assumé. Le chorégraphe pousse la troupe dans un déluge de virtuosité et de prouesse physique. L’équilibre entre spontanéité apparente et maîtrise dans la synchronicité frise la perfection. Outre les pas d’une folie absolument moderne, on entrevoit certaines traces de swing et de lindy hop lors de solos ou de pas de deux à la maîtrise impeccable. Jamais la puissance s’arrête de monter, elle va si haut et si loin que le rideau se ferme alors que les danseurs semblent atteindre une nouvelle étape dans leur transe. Diverlus parvient à composer un moment de communion rare mêlant prouesses des danseurs et émotions du public.  

Après une telle intensité, il est difficile d’apprécier la dernière pièce, Nowell Sing We de Carol Anderson (1988). Cette chorégraphie composée sur fond de madrigaux médiévaux est un moment attendu du Wintersong annuel. Les danseurs sont vêtus de coton blanc et exécutent les pas avec précision. Cette forme sage et ravissante qui clôture l’ensemble est cependant en dessous de la pièce précédente en matière de passion ressentie. L’importance laissée à la tradition pour terminer le programme ne nous empêche pas, cependant, de passer une soirée à la hauteur de l’ambition de la compagnie : nous garderons en mémoire les jeunes virtuoses, la variété des pièces proposées et l’immense joie de retrouver cette troupe sur scène après une trop longue absence.

Fleck Dance Theatre, 11 décembre 2021

Hadrien Volle

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