Vertige Romantique
Chorégraphie : Andrew Skeels, Natalia Horecna
Distribution : Ballet du Grand Théâtre de Genève
Musiques : Schubert, Schumann, Tchaïkovski
On est englouti par ce Vertige Romantique, titre du dernier programme du Ballet du Grand Théâtre de Genève, qui nous fait plonger dans l’esprit de la musique romantique de Schubert, Schumann et Tchaïkovski et dans les sentiments mélancoliques et obscurs caractérisant le romantisme.
Les deux chorégraphes, Andrew Skeels et Natalia Horecna, ont proposé deux créations, premières mondiales, dans lesquelles chacun, avec son propre langage et sa sensibilité, a su représenter des états d’âme et des atmosphères typiquement romantiques.
Andrew Skeels, chorégraphe américain, résident aux Grands Ballets Canadiens et qui a remporté au mois de juin dernier Le Grand Prix de l’Association de la Critique de Théâtre, de Musique et de Danse, a saisi dans Fallen les teintes les plus sombres et mystérieuses du romantisme et représenté une communauté d’individus fragiles et troublés en quête d’un soutien mutuel.
Il s’est appuyé sur la double signification du mot Fallen qui en anglais peut signifier tomber mais aussi changer d’état, comme tomber amoureux, tomber malade, etc.
En fait, d’une part il est resté fidèle à son style, riche d’évolutions au sol et de chutes liées à ses origines hip-hop, d’autre part il a réussi à les transformer pour qu’elles puissent devenir véhicule d’émotions personnelles. Le chorégraphe, grâce à la formation plus classique des danseurs du Grand Ballet de Genève, a su rendre des images de danse avec des mouvements amples et fluides, à la fois légers et délicats, en supprimant tout sens de gravité.
Fallen, avec un décor qui nous emmène dans une forêt perturbatrice, procède par succession de solos et duos, accompagné des musiques de Schubert et Tchaïkovski et de la présence sur scène de la mezzo – soprano Irina Shishkova . Une quête de spiritualisme et de sens d’humanité se traduit en mouvements qui se succèdent les uns après les autres en guise de vague. Ce sont les moments les plus poétiques de la pièce.
Plutôt que de se limiter seulement à suivre chaque tableau de cette pièce, la clé de lecture de Fallen doit être recherchée dans la capacité d’Andrew Skeels de nous rendre un ensemble d’images capables de reproduire une atmosphère unique et intense qui parle aux âmes du public.
Quant à la deuxième création au programme, Return To Nothingness de Natalia Horecna, elle est d’un tout autre style. Plus narrative, elle se propose de mettre en avant des valeurs plus profondes de la vie. En passant par l’état de néant, le ballet invite à se retrouver soi-même à travers la poésie et l’amour. Un roi qui se trouve dans un état d’abandon et de détresse peut donc se libérer et retrouver sa nature intérieure s’il se laisse aller. La pièce représente un chemin de rédemption à travers différentes étapes qui se déroulent sans fractures grâce à des images chorégraphiques fines et riches d’élégance. La chorégraphe imagine ce ballet en guise d’un conte avec une fin heureuse, soutenue tout au long de son récit par la musique du Trio pour piano et cordes n.2 Op.100 de Schubert, qui dégage beaucoup d’émotions et ouvre les esprits.
Une soirée réussie, bien que Fallen et Retour to Nothingness n’ont aucun point en commun si ce n’est que les danseurs du grand Ballet de Genève ont montré encore une fois qu’ils constituent une belle troupe, capable de s’adapter et de maîtriser différents styles.
Antonella Poli