Théâtre de La Scala de Milan:Le Lac des Cygnes
A l’occasion du centenaire de la mort de Marius Petipa, qui fût avec Lev Ivanov le premier chorégraphe du Lac des Cygnes, le Théâtre de La Scala de Milan présente à l’affiche ce ballet avec la chorégraphie de Rudolf Noureev.
Il s’agit d’une version renouvelée et vivifiée grâce à la scénographie de Ezio Frigerio et aux costumes de Francia Squarciapino.
Les scènes sont affinées laissant un large espace à l’interprétation des danseurs. Le scénographe s’est inspiré de la peinture de Monet, dont l’esprit et les tonalités célèbrent la nature, les nifés, ainsi que les silhouettes des cathédrales de Rouen devenues éléments de l’architecture du Palais Royal.
Pour le premier et le troisième acte, Francia Squarciapino a soigneusement dessiné des costumes sobres et raffinés aux teintes neutres mettant encore plus en relief l’élégance de la chorégraphie l’ingéniosité de la musique de Tchaikovsky.
Les deux interprètes principaux sont les étoiles du Ballet Kirov du Théâtre Mariinskij de Saint Petersbourg : Leonid Sarafanov, bien connu du public du théâtre milanais et Alina Somova qui danse pour la première fois à la Scala un ballet du répertoire.
La danseuse russe interprète magnifiquement le rôle d’un cygne gracieux et délicat, soumis à son destin tragique auquel il est lié depuis le début de l’argument. Son corps est éthéré, et ses jambes comme ses bras se déploient tels des ailes décrivant des arabesques harmonieuses.
A son côté Sarafanov jouant le rôle d’un prince nourrissant des sentiments profonds envers cette créature belle et fragile. Grâce à une gestualité expressive, où chaque mouvement est animé d’amour et de tendresse, la danse émouvante du prince Siegfried nous fait merveilleusement vibrer. Sa délicatesse est telle qu’il paraît ne pas vouloir toucher le signe de peur de lui faire mal. Le danseur incarne remarquablement le rôle mélancolique et introverti du Prince Siegfried, mettant en relief les aspects d’introspection psychologique qui caractérisent la version de Noureev, mise en scène pour la première fois au Théâtre de La Scala en 1990.
Le ballet s’ouvre sur un prince endormi sur un fauteuil rêvant d’une princesse enlevée et capturée par une créature maléfique et maligne.
Cela paraît le troubler. Il est distrait et semble se désintéresser de tout ce qui l’entoure. Son alter ego est le précepteur, figure importante dans la version de Noureev. Il est magistralement interprété par le premier danseur du Théâtre de La Scala Antonino Sutera.
Ce personnage symbolise aux yeux de certains critiques le dualisme latent présent dans la personnalité de Noureev ainsi que la représentation de son homosexualité.
Significatif est le pas de deux de la fin du premier acte dansé par le Prince et le précepteur: c’est ce dernier qui impose la danse en essayant d’éloigner le jeune prince de son rêve.
La princesse Odette transformée en cygne, répresente peut être l’ idéal majeur et spirituel que l’éminent chorégraphe recherchait depuis longtemps. Elle est l’expression des sentiments complexes et profonds qui animaient Noureev.
On peut également relever le pas à trois dansé par Siegfried, Odette et le précepteur. Une séquence forte en émotion dont se dégage une tension poignante et dramatique. Ce sera en vain la dernière chance du Prince de pouvoir prendre sa revanche, et de se libérer de son illusion . Un destin tragique lie les deux amants: ils ne pourront jamais vivre leur rêve d’amour même si l’enchantement du Cygne aurait pu s’interrompre grâce seulement à l’Amour authentique d’un homme.
Milan, Théâtre de La Scala, 29/12/2010