The Dream
Chorégraphie : Frederick Ashton
Distribution : Jillian Vanstone, Guillaume Côté, Harrison James, les premiers solistes et le Corps de ballet du Ballet National du Canada
Musiques : Felix Mendelssohn
The Dream, de Frederick Ashton, fut créé en 1964 pour le Royal Ballet de Londres d’après Le Songe d’une nuit d’été, de William Shakespeare, dont on célébrait l’anniversaire des quatre-cents ans de la naissance. Ce ballet manquait depuis 17 ans au Ballet National du Canada qui l’a repris à Toronto du 21 au 25 Novembre dernier.
A la différence d’autres versions de ce ballet, notamment celles de Balanchine ou de Jean Christophe Maillot, The Dream de Frederick Ashton reste la plus pure et la plus attirante pour le public et confirme l’énorme talent du chorégraphe, connu comme créateur du style dit « anglais », plus délicat et expressif dans l’interprétation que le russe. Ashton opère une synthèse efficace du texte de Shakespeare, en focalisant l’argument seulement sur le couple du roi des elfes et de la reine des fées, Titania et Oberon, sur deux couples d’amoureux, Helena et Demetrius, Hermia et Lysander, Puck et les effets de sa potion. L’histoire se déroule dans une forêt étrange, un peu magique.
Ashton superpose très bien le monde fantastique et celui du réel. Dans certains passages, tous les protagonistes sont sur scène et, notamment Oberon, avec étonnement, observe la comédie humaine des amants qui se déroule sous ses yeux.
Le style d’Ashton s’inspire de Petipa mais le chorégraphe anglais y apporte sa vision de la danse, profondément humaine et qui montre une grande inclination à donner à ses danseurs des personnalités définies. The Dream raconte une histoire simple qui touche grâce à des passages de pure danse classique et d’autres plus légers, plus divertissants, comme celui où Bottom, un villageois, transformé en âne, danse sur pointes. Le début du ballet voit l’entrée des fées dans une forêt. C’est un moment à la fois magique et d’un grand classicisme, où la chorégraphie est remarquable par les ports de bras très fluides.
La principal dancer Jillian Vanstone, belle danseuse, est raffinée et très légère dans ses mouvements ; elle arrive à créer une atmosphère vraiment féerique quand elle danse, notamment dans la Fairy Dance. Oberon est interprété par les principal dancers Harrison James (le 24 novembre) et Guillaume Côté (le 25 novembre). Impeccables tous les deux dans les passages techniques, le premier apparait plus linéaire et classique tandis que le deuxième incarne plus son rôle de roi des elfes et s’impose avec une grande présence sur scène.
Un moment très virtuose est le Scherzo, caractérisé par des pirouettes et des virages d’ Oberon rapides comme l’éclair, entrecoupés de passages de Puck et des fées.La chorégraphie d’Ashton pour Oberon comprend presque tous les types de tournures du dictionnaire du ballet – parmi lesquelles pirouettes, soutenus, chainés et fouettés – enchainées en séquences extrêmement difficiles. L’immense talent artistique nécessaire pour interpréter la chorégraphie d’Oberon – et la manière dont Ashton façonne parfaitement les étapes menant à la texture et à l’orchestration de la musique de Mendelssohn – souligne la puissance et la fierté du personnage du roi.
L’effet de cette virtuosité dominante est assez différent de la qualité espiègle évoquée par la danse de Puck, personnage aussi central dans l’histoire. Skylar Campbell, principal dancer et Siphesihle November ont interprété ce rôle les 24 et 25 novembre. Le premier a valorisé les aspects mimiques et théâtraux de son personnage ; le deuxième a été une belle découverte pour le public car, âgé seulement de vingt ans, il se révèle très prometteur.
Le moment le plus beau et lyrique reste celui du pas de deux où Titania et Oberon se réconcilient. La musique royale de Mendelssohn accompagne l’envol de leur union. La séquence des sauts penchés et en arabesques d’ Oberon, lorsque Titania s’abandonne à son aimé avec douceur, reste remarquable.
Plus de cinquante ans après sa création, The Dream garde toute sa fraîcheur, tant d’un point de vue technique avec de très beaux passages dansés que dans les moments caractérisés par une bonne dose d’humour. La performance du Corps du Ballet National du Canada couronne le succès de ce ballet.
Toronto, Four Seasons Center, 24-25 Novembre 2018
Antonella Poli