São Paulo Companhia de Dança
Chorégraphie : Uwe Scholz, Marco Goecke, Joëlle Bouvier
Distribution : São Paulo Companhia de Dança
Ça a été un grand plaisir de découvrir au Théâtre de la Danse de Chaillot la São Paulo Companhia de Dança, compagnie brésilienne de danse classique et contemporaine, créé en 2008 par le Gouvernement de l’Etat de São Paulo, qui la soutient encore aujourd’hui, malgré les difficultés existantes. Du point de vue administratif, elle est gérée par Associação Pró-Dança, une association à but non lucratif. Tous les cinq ans le Gouvernement institue un appel public pour renouveler sa gestion.
La compagnie est formée de trente-deux danseurs mais pour des grands ballets du répertoire classique, notamment Le Lac des Cygnes ou Don Quixote, d’autres peuvent être intégrés temporairement. L’Oficina Cultural Oswald de Andrade est leur lieu de création et répétitions. Actuellement, la Sao Paulo Dance Company se produit au Brésil et dans le monde entier, atteignant quatre-vingts spectacles par an. La programmation est élaborée par le Directeur du Théâtre, la Directrice artistique de la compagnie Inês Bogéa et l’agent de promotion.
Comme le souligne Inês Bogéa, le programme présenté au Théâtre National de la danse – Chaillot est un voyage dans la mémoire, des années quatre-vingt à aujourd’hui à travers les œuvres de Uwe Scholz, Marco Goecke et Joëlle Bouvier.
Suite pour deux pianos, créée en1987 par Uwe Scholz est plus qu’un ballet car elle met en relation peinture, musique et danse. En effet, le chorégraphe allemand fait dialoguer des tableaux abstraits de Kandinsky, les notes de la Suite pour deux pianos Opus 17 de Sergei Rachmaninov et la chorégraphie. La précision des traits géométriques de Kandinsky trouve son écho dans le rythme mathématique de la musique et dans les belles arabesques et les audacieux grands-jetés qui mettent en valeur les beaux corps vibrants des danseurs, devenant moyens pour transformer en images dansées les accents du piano. Leurs académiques noir et blanc évoquent immédiatement un clavier. Cette première pièce du programme permet d’apprécier les qualités techniques et musicales des neuf danseurs en scène.
L’Oiseau de feu de Marco Goecke fut conçu par le chorégraphe allemand en 2010, à l’occasion du centenaire de l’éponyme ballet de Mickael Fokine pour l’Opéra de Paris dans le cadre des Ballets russes. Il en fait un duo de huit minutes, où les corps des deux danseurs Ana Paulo Camargo et Nielson de Souza, représentent d’une part le désir d’un homme de pouvoir voler et, d’autre part, l’aspiration d’un oiseau à devenir un être humain.
Restant presque immobiles dans l’espace, les deux interprètes, grâce à une gestuelle minimaliste surtout basée sur des mouvements minutieux des bras et des doigts des mains, utilisent les pauses de la musique faisant ressortir la présence de leurs corps comme des sculptures vivantes.
Dans la troisième pièce au programme, Odisseia créée pour la São Paulo Companhia de Dança, Joëlle Bouvier aborde le thème de l’immigration. La chorégraphe française imagine une histoire de migrantes confrontés à la perte de leur patrie. En même temps, ses propos vont bien au-delà car elle ne se limite pas à livrer une vision douloureuse mais au-delà, elle ouvre un espoir pour la construction d’un nouveau monde.
Symbole de cette renaissance est un duo, où une femme et un homme se retrouvent intimes après un naufrage dévastant. Fidèle à son style construit autour d’images fluides, Joëlle Bouvier emploie une dramaturgie qui dégage la recherche et le message d’un grand sens d’humanité. Le choix musical s’appuie sur des extraits musicaux lyriques qui amplifient la portée des images dansées : Bachianas Brasileiras et Melodia Sentimental de Heitor Villa-Lobos côtoient La Passion selon Mathieu de Jean-Sébastien Bach et Pátria Minha (poème de Vinicius de Moraes avec la voix de Maria Bethânia), chanson nostalgique sur laquelle se conclut la pièce.
Théâtre National de la Danse Chaillot, 18 Avril 2019
Antonella Poli