Plaisirs inconnus
Chorégraphie : Cinq chorégraphes inconnus
Distribution : Ballet de Lorraine
Petter Jacobsson, directeur du CCN Ballet de Lorraine, a présenté à l’Opéra National de Lorraine un spectacle qui se distingue de par son originalité. L’idée nait de la volonté de faire apprécier une œuvre dansée en tant qu’objet artistique et indépendant sans que son spectateur puisse se faire influencer par le style de tel ou tel chorégraphe.
Des questions sont posées : Quel type de relation lie un chorégraphe à son œuvre ? Une création peut-elle vivre et être appréciée indépendamment de son créateur ?
Plaisir inconnus laisse le public tenter de répondre à ces questions. Il s’agit d’un spectacle dont on ne connait pas les noms des chorégraphes. On sait qu’ils sont cinq, quatre femmes et un homme et rien d’autre. L’imagination des spectateurs est emmenée à chercher le sens de la danse et à considérer le spectacle seulement comme un objet esthétique.
Il faut vraiment se laisser porter par les chorégraphies des cinq pièces présentées. Elles s’enchainent sans aucune rupture. Malgré leurs esthétiques différentes, on assiste à un seul spectacle, et il est déconseillé d’aller chercher ou reconnaitre les noms des chorégraphes, car cela empêcherait de goûter la beauté et la valeur de la danse en jeu. Le spectacle s’ouvre avec une pièce qui lance un message écologique à travers les t-shirts des danseurs, chacun avec des lettres imprimées sur le devant et sur le dos. Seulement vers la fin, on arrive à lire : « World is burning ».
Tout en douceur, après le vortex des géométries dessinées auparavant par la chorégraphie, on atterri dans un univers où les sentiments sont mis en jeu à travers des jeux de couples. Les gestes deviennent plus expressifs, les interprètes exprimant des rapports humains parfois troublants.
Un changement de registre a encore lieu. Les danseurs nous plongent dans une esthétique néoclassique et rigoureuse : c’est le travail classique du centre qui prend sa place. Dégagés, tendus, arabesques, changements de direction entrainent au fur et à mesure vers un désordre chaotique, une sorte de paradoxe justifié par la beauté et la précision des mouvements. Puis, une surprise se dévoile : sur la musique du Boléro de Ravel, le public peut être gâté. Même avec quelques références à la célèbre version de Maurice Béjart (certains ports de bras, les angles des poignets ou le basculement du bassin), cette nouvelle version nous étonne. Elle maintient un regard sur la tradition tout en s’ouvrant à une reconstruction plus libre et parfois ironique.
La cinquième pièce entraine les spectateurs dans un jeu. Elle est constituée d’intermezzos entre les autres chorégraphies. Ce sont des moments de pause et de réflexion faits de petits gestes et de mots qu’il faut lier les uns aux autres sans chercher un but narratif. Ce très beau spectacle se conclut par un final joyeux. Les danseurs du Ballet de Lorraine saluent le public habillés de manière ordinaire, choix qui témoigne de la diversité enrichissante de cette compagnie capable de s’adapter à différents styles.
Les prochaines dates pour découvrir Plaisirs Inconnus sont : 22 Novembre au Théâtre du Port Nord pendant le Festival Instances, le 16 décembre à Saint Die des Vosges (extraits) et le 8 et 11 Février 2017 à New York au Joyce Theater