Opéra de Paris: les adieux de l’étoile Mathieu Ganio

Mathieu Ganio-ph.Julien Benhamou
Hier soir, 1er mars 2025, le danseur étoile Mathieu Ganio a tiré son ultime révérence sur la scène du Palais Garnier dans Onéguine de John Cranko, à côté de la danseuse étoile Ludmila Pagliero. Vingt-et-un un de carrière au sommet de son art !
- Onéguine-Mathieu Ganio et Ludmila Pagliero-ph.Julien Benhamou
- Onéguine-Mathieu Ganio-ph.Julien Benhamou
Il accéda au grade ultime d’étoile dans les échelons du Ballet de l’Opéra de Paris le 20 mai 2004, à l’issue de la représentation de Don Quichotte de Rudolf Noureev ; sa partenaire était Agnès Letestu. Comme le souligne José Martinez, directeur du Ballet de l’Opéra de Paris, en racontant une anecdote pendant la cérémonie qui a suivi la fin de la soirée, « c’est un peu grâce à moi que les portes se sont ouvertes pour sa nomination. En fait, je devais danser Don Quichotte, mais en répétant en même temps Orphée et Eurydice de Pina Bausch. J’ai donc demandé à Brigitte Lefevre, trois semaines avant la première, de me remplacer. C’est ainsi que le jeune sujet Mathieu Ganio eut la chance d’obtenir le rôle-titre et que ses qualités artistiques furent consacrées ».
Depuis, Mathieu Ganio a toujours impressionné par sa danse raffinée et sobre, intense et précise, qualités qui lui ont permis de dégager une expressivité comblée d’élégance et de pureté.
Certes, le danseur s’est nourri de danse depuis sa naissance : sa mère était la célèbre danseuse de l’Opéra de Paris Dominique Khalfouni ; sa passion pour cet art était en lui. Après une formation de sept ans à l’Ecole du Ballet national de Marseille, il est admis par Claude Bessy à l’Ecole du Ballet de l’Opéra national de Paris.
José Martinez nous raconte une autre anecdote sur son enfance : « il était danseur encore avant de commencer à danser. A deux ans, il dansa à côté de sa mère dans le ballet Ma Pavlova, de Roland Petit. Dans la vie quotidienne, toute occasion constituait pour lui un prétexte à danser et à chorégraphier. Il utilisait des couverts, des boutons, des pâtes, il créait des chorégraphies. Et il ne manquait pas de danser avec sa petite sœur Marine (aujourd’hui première danseuse), quand il avait besoin d’une partenaire pour apprendre un adage ».
Artiste au talent exceptionnel, il a su s’exprimer dans chaque style de danse, interpréter avec sa personnalité humble et généreuse chaque rôle qu’il dansait et les valoriser émotivement.
Pour les ballets classiques, on se souvient notamment de lui comme un Albrecht très sensible dans Giselle, flamboyant dans la Sylphide de Pierre Lacotte, prégnant comme Des Grieux dans L’Histoire de Manon, romantique en tant qu’Armand dans la Dame aux Camélias, sentimental dans le rôle de Saint-Loup dans Proust ou les intermittences du cœur de Roland Petit, intime et tourmenté dans son dernier Onéguine, ballet qu’il a choisi pour ce dernier spectacle.
- La Dame aux camélias-Mathieu Ganio et Léonore Baulac-ph.Sveltana Loboff
- Giselle-Mathieu Ganio et Dorothée Gilbert-ph.Jonathan Kellerman
Il a excellé aussi dans des œuvres de chorégraphes plus contemporains, notamment Jiri Kylian, Wayne McGregor, Angelin Preljocaj. Son intelligence artistique et ses qualités subtiles d’interprétation lui ont permis de toucher toujours le public qui, à la fin de cette soirée d’adieux, l’a comblé d’une ovation qui a duré vingt-huit minutes.
Parmi les grandes personnalités de la danse qui l’ont choisi pour leurs créations, John Neumeier et Pierre Lacotte ont été au premier plan. En particulier, ce dernier a accompagné le danseur avec toute sa bienveillance et son admiration, valeurs qui l’ont conduit à créer pour le danseur le rôle de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir.
Mais cet « artiste modèle et étoile, dans le plus vrai et plus pur sens du terme », comme le souligne José Martinez, ne s’arrêtera pas là. La scène n’est pas tout à fait finie pour lui !

Mathieu Ganio et Ludmila Pagliero-ph.Julien Benhamou
Paris, Opéra Garnier, 1er mars 2025
Antonella Poli