Nureyev Legend and Legacy

Le théâtre Royal Drury Lane de Londres, avec la collaboration de la Fondation Noureev, a accueilli les 5, 6 et 12 septembre, Nureyev Legend and Legacy, spectacle où les plus grandes étoiles internationales contemporaines étaient réunies pour rendre hommage à la figure de Rudolf Noureev. Le danseur-chorégraphe reste celui qui a sans doute marqué le plus l’histoire de la danse. Les choix personnels de sa vie ont été toujours intimement liés à la danse : sa demande d’asile en France, déclaré en 1961 à l’aéroport du Bourget, signifiât non seulement une décision politique mais aussi et essentiellement une déclaration de liberté artistique. Depuis son installation en Europe, Rudolf Noureev ne cessa jamais de réinterpréter en tant que danseur, et puis de récréer en tant que chorégraphe, les principaux ballets du répertoire classique. Il enrichit d’un point de vue technique les chorégraphies du Corps de Ballet et donna plus d’allure et de profondeur aux rôles masculins.

Sa personnalité éclectique, son caractère très exigeant et sa sensibilité artistique hors norme, inspirent encore aujourd’hui les danseurs de tout le monde. Il reste le modèle exemplaire et la danse était pour lui une religion.

Le programme offert dans les trois soirées était d’exception à la fois pour le choix des extraits des ballets présentés et pour les étoiles de renommée internationale présentes à Londres. La Royal Ballet Sinfonia accompagnait sur le plateau les danseurs.

La soirée a été ouverte par Guillaume Côté, étoile du Ballet national du Canada qui a interprété l’Entr’acte Solo du deuxième acte de la Belle au Bois Dormant. Le danseur, avec ce solo prégnant et techniquement ardu, a immergé tout de suite le public dans la finesse et dans la profondeur du style Noureev, mettant en avant aussi sa musicalité sur les violons de la partition de Tchaïkovski. Natasha Mair et Vadim Muntagirov ont marqué le Grand pas de deux du troisième acte de La Belle que Rudolf Noureev considérait comme le ballet des ballets :

« Quand je faisais mes premiers pas à Oufa, mon maître à danser – qui avait appartenu au Kirov – me disait toujours que La Belle au bois dormant était le « ballet des ballets ». Et j’en étais gourmand à l’avance. Le Kirov, plus tard, m’a fait découvrir la splendeur du festin. La Belle au bois dormant de Tchaïkovski et de Marius Petipa représente en effet l’apogée du ballet classique : la danse s’affirme alors comme art majeur. Et cela constitue un événement historique : après La Belle, le ballet a pu attirer à lui les plus grands compositeurs qui n’ont pas hésité à travailler avec les chorégraphes ». Ainsi s’exprimait Rudolf Noureev, un des auteurs majeurs de la Belle au bois dormant créée en 1966 au Théâtre La Scala de Milan.

Natasha Mair et Vadim Muntagirov-La Belle au Bois Dormant-ph. Andrej Uspenski

Maia Makhateli et Oleg Ivenko ont été brillants dans le pas de deux Gayané (1942) de Nina Anisimova, une des meilleures danseuses du Ballet du Kirov ; elle nota le jeune Rudolf de dix sept ans et créa ensuite pour lui Song of the Cranes.

Les atmosphères orientales, l’histoire tragique de Nikiya et Solor et l’ambiance magique du Royaume des Ombres sont au centre de La Bayadère, créée en 1877 à St. Petersbourg par Marius Petipa et reprise par Rudolf Noureev en 1992 pour le Ballet de l’Opéra de Paris à l’époque où il était son Directeur. Iana Salenko et Xander Parish ont été protagonistes du célèbre pas de deux du troisième acte où les deux amants peuvent se retrouver et vivre spirituellement leur passion amoureuse.

Iana Salenko et Xander Parish-La Bayadère-ph.Andrej Uspenski

Francesco Gabriele Frola et Emma Hawes ont été les protagonistes d’un pas de deux, extrait de Flower Festival in Genzano. Le danseur a montré une grande technicité dans les batteries et la danseuse a été très virtuose prouvant toute sa maîtrise technique des pointes.

Le pas de six de Laurencia, évoquant les ambiances espagnoles castillanes et interprété par Rudolf Noureev in 1964 for the Royal Ballet, a été accueilli avec enthousiasme par le public : Natalia Osipova avec Marcellino Sambé, Yuhui Choe, Marianna Tsembenhoi, Benjamin Elia et Daichi Ikarashi ont été remarquables pour la vivacité de leur danse.

Le ballet romantique par excellence, Giselle, reste encore un des exemples les plus représentatifs de la collaboration artistique entre Margot Fonteyn et Rudolf Noureev. Les vingt-trois ouvertures du rideau acclamées par le public en témoignent. Francesca Hayward et William Bracewell ont révoqué le couple mythique dans le pas de deux du deuxième acte.

Francesca Hayward et William Bracewell-Giselle-ph.Andrej Uspenski

 

Un des moments les plus intenses et prégnants de la soirée nous a été offert par Alina Cojocaru et Alexandr Trusch, tendres et sublimes dans les extraits de Don Juan de John Neumeier, ballet dansé par Rudolf Noureev en 1974 avec le Ballet national du Canada.

Le Pas de deux puissant du Corsaire constitua un des rôles le plus caractérisant caractéristique de la carrière de l’étoile russe ; exemplaire fut son début avec Margot Fonteyn dans ce ballet en 1962 au Covent Garden. Ils impressionnaient le public londonien -volontiers habitué à un style plus sobre – avec leur interprétation flamboyante. Yasmine Naghdi et Cesar Corrales ont couronné une soirée étincelante qui a confirmé combien la danse de Rudolf Noureev reste intemporelle et nous parle encore avec tout son génie et sa générosité.

 Le public pourra visionner Noureev Legend and Legacy sur Marquee.tv

Yasmine Naghdi et Cesar Corrales-Le Corsaire-ph.Andrej Uspenski

Londres, Théâtre Royal Drury Lane 12 Septembre 2022

Antonella Poli

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