Mozart à 2 – Beethoven 6

Chorégraphie : Thierry Malandain

Mozart à 2,Patricia Velázquez, Jeshua Costa-ph.Olivier Houeix

Le CCN Malandain Ballet Biarritz a étincelé à l’ouverture des 30 ans du Festival Le Temps d’aimer à Biarritz (11-20 Septembre 2020). La troupe, dirigée par Thierry Malandain, ne pouvait que faire une meilleure rentrée sur scène, après les longs mois de confinement. Tous les danseurs ont dégagé une énergie généreuse et montré toute leur maîtrise de la danse enthousiasmant le public. L’ovation finale en a été la preuve.

La soirée s’est ouverte avec Mozart à 2, pièce créée par Thierry Malandain en 1997 pour la compagnie Temps Présent et entrée au répertoire de la compagnie l’année suivante à l’occasion de la création du Centre Chorégraphique à Biarritz. Choix historiquement symbolique pour cette édition anniversaire du festival mais aussi emblématique par rapport aux règles et aux contraintes qui nous sont imposés aujourd’hui à cause de la COVID-19.

En fait Mozart à 2 chorégraphié sur des airs célèbres de Wolfgang Amadeus Mozart, est basé sur une succession de six duos amoureux et sensuels, interprétés avec différents niveaux d’intensité, symbolisant les diverses saisons de la vie humaine. On apprécie la beauté esthétique des portés, des arabesques, la pureté d’une gestuelle néoclassique parfaitement en syntonie avec la musique, mais on est aussi bouleversés en observant comment les danseurs s’embrassent, se touchent, se laissent aller dans leurs effleurements. Ce sont des images toutes sensibles qui évoquent notre mémoire corporelle qui semble aujourd’hui les avoir perdues. Peut-on imaginer que les danseurs attendaient depuis longtemps le retour sur scène et pour eux même, ce spectacle a constitué un vrai moment libératoire.

Le public peut donc commencer à suivre l’évolution des sentiments de chaque couple à partir de sa jeunesse avec la fraicheur de la première rencontre nourrie de moments de timidité, de tendresse, de caprices et d’hésitations où les deux amoureux se bercent mutuellement, jusqu’à la maturité où l’amour devient à la fois plus passionnel et facilement susceptibles de moments de contrastes. Le moment central de Mozart à 2 est le pas de deux sur le célèbre Adagio du Concerto pour piano et orchestre n.23. La sensualité et l’intensité des deux interprètes sont à leur apogée, la délicatesse et la finesse des images chorégraphiques restant constantes. Au fil de la pièce (et des années) les pas de deux qui suivent maintiennent le même style mais la gestuelle symbolise de plus en plus la transformation de la passion dans des sentiments plus profonds, plus intimes jusqu’à la reconnaissance de son partenaire comme une sorte d’appui pour vaincre les faiblesses de la vie. Et justement dans le dernier solo qui clôt Mozart à 2 sur les notes de l’Andante du Concerto pour piano et orchestre n.21, les deux interprètes se cherchent réciproquement et s’appuient l’un sur l’autre en quête de soutien.

Beethoven 6, inspiré de la dernière création de Thierry Malandain La Pastorale à l’occasion de l’anniversaire des 250 ans de la naissance de Ludwig Van Beethoven, célèbre la sixième symphonie du compositeur allemand. Le chorégraphe s’inspire du monde grec que « avec sa perfection, a toujours été considéré au fil des siècles en tant que lieu idéal de refuge, notamment dans le XVIIIème siècle mais aussi dans les années vingt ».[1]

Les références à l’Arcadie et au monde hellénique sont évidentes dans les figures des ports de bras évoquant celles des danses grecques peintes sur des vases archéologiques ou dans le choix des costumes, des tuniques blanches typiques de l’époque. Mais Thierry Malandain, qui a adopté ce scénario, pose son propos sur la figure masculine d’un jeune homme qui semble être endormi, abandonné à lui-même. L’évolution du ballet a lui une fonction formatrice : la prise de contact avec trois muses le stimule, elles le font grandir comme elles ont éveillé Apollo.

Le jeune homme se retrouve dans un monde où les formes classiques avec leur équilibre et leur esthétisme lui présentent un univers harmonieux. Il est fasciné, ébloui par la beauté qui l’entoure. La danse se développe de manière fluide et la chorégraphie, très dynamique, est constituée par des entrées et des sorties de groupes de danseurs, en guise de défilés effectués sur des lignes horizontales et parallèles très précises, évoquant les plus belles images de l’art grec. En fait, comment ne pas les comparer et retrouver symboliquement les passages des Ombres du troisième acte de la Bayadère ou du deuxième acte de Giselle ? Mais Thierry Malandain accorde aussi une préférence à des figures circulaires, à des spirales, pour constituer un univers pacifique et harmonieux.

Beethoven 6-ph.Olivier Houeix

Des escargots, avec leurs coquilles enroulées, traversant la scène, le symbolisent. Mais par rapport à La Pastorale où Thierry Malandain semblait évoquer et atteindre le Paradis dans le final de sa pièce, cette fois il préfère nous laisser avec une note plus réaliste. Le jeune homme ne doit pas connaître qu’un univers idyllique : il succombe au sol à l’apparition de deux créatures imposantes aux costumes sombres. Le rêve de la jeunesse s’éteint.

Sur cette scène la pièce se termine mais l’explosion d’enthousiasme de la salle apparaît à la réouverture du rideau : tous les danseurs saluent le public complètement enchanté par cette soirée.

Biarritz, 12 Septembre 2020

Antonella Poli

[1] Voir La Pastorale, Interview à Thierry Malandain, Chroniques de danse, décembre 2019

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