L’Opéra national de Paris ouvre sa saison avec William Forsythe et Johan Inger

Défilé-ph.Julien Benhamou

Le somptueux défilé de l’Ecole de danse et de toute la compagnie du Ballet de l’Opéra national de Paris a célébré l’ouverture de la soirée du 10 octobre dernier. C’est toujours un plaisir de voir tous les danseurs de la maison parisienne réunis ensemble. Surtout, les plus jeunes attirent l’attention, appliqués à chaque pas et avec les yeux pleins d’émotions. Cette année on ne pouvait pas ne pas remarquer l’ouverture du défilé confiée à une jeune danseuse de couleur, avec laquelle l’Opéra de Paris a voulu donner un autre signe marquant son ouverture.  

A la fin de ce moment célébratoire, la danseuse étoile Laura Hecquet que malheureusement nous n’avons pas vu beaucoup sur scène ces derniers temps, a fait ses adieux, entourée par tous ses collègues et submergée par une vague de confettis descendus du plafond.

Pour les trois soirées, celles des 4, 8 et 10 octobre le programme prévoyait la pièce Word for word du jeune chorégraphe My’Kal Stromile. Sa création a utilisé la danse classique en l’enrichissant d’une gestuelle qui s’inspire de William Forsythe, l’auteur des deux autres pièces de la soirée. Interprètes de Word for Word ont été les étoiles Valentina Colasante, Hannah O’Neill, Guillaume Diop avec le premier danseur Jack Gasztowtt et le coryphée Rubens Simon. Une note d’attention particulière concerne Jack Gasztowtt car il a montré encore une fois son assurance et son allure sur scène. La pièce, qui s’est déroulée avec le même décor du défilé gardé en fond de scène, n’a pas offert des moments virtuoses particulières étant construite avec des pas de deux classiques où les étoiles ont confirmé leurs capacités.

Valentine Colasante et Guillaume Diop-ph.Agathe Poupeney

Nous avons anticipé la présence de ballets de William Forsythe à l’affiche du programme.

En effet, le chorégraphe américain a repris pour trois danseurs de l’Opéra, Rearray, créé en 2011 pour Sylvie Guillem et  Nicolas Riche. Les trois interprètes de cette nouvelle version ont été la première danseuse Roxane Stojanov et les danseurs Takeru Coste et Loup Marcault-Derouard. Certes, William Forsythe, n’a pas épargné son inventivité livrant une pièce bien construite pour ce qui concerne l’interaction des trois danseurs et la mise en valeur des qualités techniques de Roxane Stojanov dont nous soulignons sa grande personnalité sur scène. Parmi les premières danseuses, nous pensons qu’elle mériterait d’être nommée étoile.

Roxane Stojanov-ph.Ann Ray

La pièce phare de la soirée a été Blake Works I, créée par William Forsythe pour le Ballet de l’Opéra de Paris en 2016.

Avec Blake Works I, William Forsythe revient aux sources du langage académique en combinant pureté technique et innovation, explorant les possibilités de la danse classique dans ses formes les plus abstraites. Il s’inspire de la tradition de l’École française et ne manquent pas les références à ses héritiers, notamment les maîtres de ballet de l’Opéra de Paris, Christiane Vaussard, célèbre pour ses exercices d’épaulements ou Gilbert Mayer. Les nombreuses poses en dégagé avec les épaulements adéquats en témoignent

Dès la première scène du ballet les interprètes s’entrecroisent en suivant des lignes horizontales qui stratifient l’espace scénique. Les séquences de groupe se transforment à grande vitesse, parfois en solo ou en duo, voire en trio rapide. L’apparente asynchronie des mouvements et le manque de coordination entre tous les danseurs qui semblent suivre des partitions chorégraphiques différentes, créent un fort dynamisme visuel et génèrent en même temps un ordre rigoureux qui ne laisse rien au hasard.

On pourrait ainsi parler de « compositions dans la composition », en référence à la relation entre les phrases individuelles dansées et l’ensemble de la chorégraphie. Aux ports de bras classiques, Forsythe en rajoute certains qui rappellent les lignes de ceux de George Balanchine, osant même quelques positions de danse jazz. Le ballet offre aussi une série de virtuosités techniques, pirouettes, jetés battus, gargouillades, entrechats, cabrioles. Les danseurs de l’Opéra, même si parfaits techniquement ont manqué d’en imprégner la pièce avec la juste intensité requise.

Peut-être parce que les jeunes interprètes n’ont pas saisi à fond l’esprit de ce chef d’œuvre à l’exception de l’étoile Paul Marque et de la première danseuse Inès McIntosh, les seuls à notre avis à interpréter avec brio et offrir des sursauts au public.

Impasse du chorégraphe suédois Johan Inger, pour la première fois invité à l’Opéra de Paris, a clôturé la pièce. Si son langage chorégraphique contemporain est apparu très clair et cohérent et enraciné dans le style classique, au contraire le propos a révélé des points de faiblesse n’arrivant pas à être saisi avec clarté. L’enchaînement des séquences pouvait apparaître parfois confus malgré l’important engagement des danseurs qui n’ont pas manqué de marquer la pièce avec une bonne énergie.

Impasse-ph.Agathe Poupeney

Paris, Opéra Garnier, 10 Octobre 2024

Antonella Poli

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