Les Noces
Chorégraphie : Fabio Lopez
Distribution : CFD Biarritz, Vincent Brisson, Maliliss Buru
Musiques : Igor Strawinsky
Après avoir créée Le Rossignol en 1914, Stravinsky débute la composition de Noces sur des textes populaires rituels qu’il adapte lui-même, révoquant un mariage paysan russe. La partition des deux premiers tableaux est terminée au printemps de 1915, mais l’œuvre complète n’est achevée que deux ans plus tard, le 4 avril 1917. À ce moment, Stravinsky joue la pièce au complet à Diaghilev, qui en reste enthousiaste.
Le long travail d’instrumentation de Noces n’a duré pas moins de six ans. Le premier projet d’instrumentation était pour un orchestre gigantesque de cent cinquante musiciens. Il est rapidement abandonné pour un effectif toujours assez considérable où les percussions sont très abondantes : piano, deux harpes, harmonium, cymbalum, clavecin et percussions. Stravinsky met le travail en repos jusqu’à ce que Diaghilev décide de la mettre au programme de ses Ballets Russes pour juin 1923. Stravinsky a alors sa révélation : « Je vis clairement que, dans mon œuvre, l’élément vocal, c’est-à-dire soufflé, serait le mieux soutenu par un ensemble composé uniquement d’instruments frappés. Et c’est ainsi que je trouvais ma solution, sous la forme d’un orchestre comprenant des pianos, timbales, cloches et xylophone — instruments à sons déterminés — et, d’autre part, des tambours de différents timbres et hauteurs — instruments ne donnant pas de notes précises. » L’instrumentation définitive est pour quatre pianos, percussions et la voix.
La création eut lieu le 13 juin 1923 à Paris, sous la direction musicale d’Ernest Ansermet. La chorégraphie avait été confiée à Bronislava Nijinska, sœur du célèbre danseur et l’œuvre était composée par quatre tableaux : La tresse, Chez le marié, Le départ de la mariée, Le repas de noces.
Il restera un des ballets les plus representatives des Ballets Russes. Sa force a inspiré Jiry Kylian qui signe en 1982 pour le Nederlands Danse Theater sa propre version et Angelin Preljocaj, qui en 1989 crée un chef d’œuvre, une relecture de l’œuvre originale où le sens d’angoisse et tragédie sont prédominants.
A son tour, en juin 2015, à l’occasion de la manifestation Les années Folles de Biarritz à Anglet, Fabio Lopez nous offre une nouvelle pièce. Le chorégraphe résume ainsi son propos :
« Depuis maintenant deux ans je me consacre à récréer le ballet « Les Noces ».
Igor Stravinski, pur génie d’une musique à la fois avant-gardiste, novatrice et paradoxalement classique, a su apporter après L’Oiseau de Feu, Petrouchka et Le Sacre du Printemps, élément supplémentaire de sa culture russe authentique mais résolument moderne et de son âme slave à la révolution de la musique en composant une partition extrêmement audacieuse et contemporaine tant sur le chant que sur la mélodie, en collaboration pour le texte avec le suisse Ramuz, et ce jusqu’à son orchestration finale.
L’essence de cette version sera la même que celle de 1923 créée par Igor Stravinski et Bronislava Nijinska pour les Ballets Russes de Serge Diaghilev à Paris.
Mon désir est de créer une pièce intense, sensuelle, où l’émotion est à son comble, les sensations exacerbées, dans laquelle les danseurs trouveraient un espace pour livrer leur vulnérabilité comme une force. Des corps de femmes, des corps d’hommes, qui s’interrogent sur l’avenir, leur devenir, l’éventail des sentiments amoureux, leurs désirs communs d’oser se construire ensemble, de suivre les mêmes chemins de vie et de partager. Une réflexion sur l’ancrage dans la tradition, dans le quotidien, le sacrement de promesses et de serments plus ou moins surannés, l’Amour que l’on veut croire immuable, le respect des ancêtres au travers de cette œuvre à la fois violent et intensément dramatique, à la diction païenne.
Qu’on le veuille ou non, la vision romantique que l’on souhaiterait conserver de l’institution du mariage n’a rien à voir avec l’abrupte réalité de ses engagements.
Au Moyen-Âge, la sacralisation du mariage devient l’une des armes les plus puissantes du discours chrétien. Le rituel du mariage se déroule alors selon des règles immuables : « D’abord les épousailles, c’est-à-dire un rituel de la foi et de la caution, des promesses de bouche, une mimique de la dévestiture et de la prise de possession, la remise de gages, l’anneau, les arrhes, des pièces de monnaie, le contrat enfin que, dans les provinces au moins où la pratique de l’écriture ne s’est pas tout à fait perdue, l’usage impose de rédiger. Ensuite les noces, c’est-à-dire un rituel de l’installation du couple dans son ménage : le pain et le vin partagés entre l’époux et l’épouse, et le banquet nombreux qui nécessairement environne le premier repas conjugal ; le cortège conduisant la mariée jusqu’à sa nouvelle demeure ; là, le soir tombé, dans la chambre obscure, dans le lit, la défloration, puis au matin, le cadeau par quoi s’expriment la gratitude et l’espoir de celui dont le rêve est d’avoir, en fécondant dès cette première nuit sa compagne, inauguré déjà ses fonctions de paternité légitime ».George Duby, historien.
Pour les plus sceptiques, les plus cyniques et autres lucides, le mariage serait une institution poussiéreuse, débordant d’hypocrisie et de symboles dépassés. Pour ces insoumis, c’est une cérémonie intime qui lie à jamais deux âmes sans les contraindre à des serments éculés. Il n’y aurait pas de décor. Juste une scène vide et noire avec huit danseurs portant des costumes simples, dans des chromatismes froids avec des motifs colorés issus de la tradition folklore russe. Je choisis la version musicale dirigée par Valery Gergiev avec l’Orchestre et Chœur du Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg.
« Si on se marie, ce n’est pas pour être deux mais pour ne plus être seul ». (Colette)
Il y a un certain mythe autour du mariage. Est-il un épisode ou l’aboutissement d’une vie ? »
Biographie de Fabio Lopez
Né à Lisbonne (Portugal), il étudie auprès de Jorge Garcia au Conservatoire National de cette ville avant de rejoindre la Juilliard School de New York, puis l’Ecole-Atelier Rudra Béjart Lausanne en 2004. Il danse le Sacre du Printemps, le Boléro et Zarathoustra avec le Béjart Ballet Lausanne et entre au Malandain Ballet Biarritz où il interprète entre 2006 et 2015 notamment Tybalt dans Roméo et Juliette, la méchante demi-sœur Javotte dans Cendrillon ou encore le Concerto 21 dans Mozart à 2.
En 2010 Fabio Lopez s’initie à la chorégraphie. Il obtient en 2012, avec le duo INÊS, le 3ème Prix ADAMI/Synodales ; il crée Les Larmes d’Eros d’après l’œuvre homonyme de Georges Bataille pour la compagnie Tantsteatr d’Ekaterinbourg (Russie) et dernièrement, soutenu par la Fondation Igor Stravinsky, il réécrit Les Noces pour la manifestation « Biarritz Années Folles ».
Il crée la « compagnie illicite ⎸fabio lopez » en avril 2015 (http://www.compagnie-illicite.com/) et prépare, avec le compositeur Thierry Escaich, la création Poil de Carotte, d’après le roman de Jules Renard pour septembre 2016.