L’Éloge des possibles de Raphaël Cottin

Chorégraphie : Raphaël Cottin

Distribution : Amandine Brun, Raphaël Cottin, Arthur Gautier, Paul Grassin

ph.Frédéric Iovino

L’Éloge des possibles, quel titre éloquent pour la dernière création que le chorégraphe-danseur Raphaël Cottin, un des interprètes majeurs de Thomas Lebrun, a présenté avec sa compagnie La Poétique des Signes les 27 et 28 janvier derniers pendant le Festival Faits d’Hiver, dans le studio May B de Micadanses !

Ce travail puise dans la mémoire corporelle du chorégraphe, en reprenant pour l’ouverture de la pièce un des soli de Quel est ce visage ? (2001) de Christine Gérard, figure de pointe de la danse contemporaine française qui fut son enseignante au Conservatoire national de Musique et de Danse de Paris. Mais il interpelle aussi les enjeux de la transmission chorégraphique.

En effet, le solo est dansé par Arthur Gautier, un des quatre interprètes de la pièce. Son visage est couvert d’un masque rouge : cet outil devient, d’une part, le moyen de valoriser le corps entier de l’interprète en cachant toute expression du visage et, d’autre part, se tournant en opposition à la direction du corps du danseur, il ouvre au spectateur une autre dimension spatiale.

Dans ce solo, la danse est très « conscientisée » : il suffit de remarquer la maîtrise des équilibres, des appuis et le contrôle dans les mouvements lents. Tout cela implique aussi la mise en jeu d’une tension corporelle, nécessaire pour respecter la précision de l’écriture chorégraphique. Tous les membres du corps vibrent et l’on ressent la tension musculaire qui les traverse, surtout si l’on pose l’attention sur les bras. Le danseur dépasse sa corporéité pour devenir une image dynamique qui se déploie sur scène à travers un jeu de tensions.

ph.Frédéric Iovino

Mais au-delà de ce solo, L’Éloge des possibles se développe en suivant des structures chorégraphiques rigoureuses, qu’on remarque dans les déplacements dans l’espace et surtout dans les mouvements de bras et de mains qui constituent la mélodie du langage chorégraphique de Raphaël Cottin. Grand connaisseur des principes de la cinétographie de Rudolf Laban, dont il maîtrise le système de notation, le chorégraphe n’hésite pas à explorer les possibles formes de mouvements, en adoptant parfois aussi des positions asymétriques dans l’espace.

Au milieu de la pièce, Raphaël Cottin réserve au spectateur un moment de surprise que lui-même annonce comme « événement » qui dure cinq minutes. Les danseurs se confrontent à un moment d’improvisation, soutenus par la régularité du rythme de cinq métronomes qui se superpose aux figures dansées qu’ils créent. Contrairement à ce à quoi l’on pouvait s’attendre, une complète autonomie s’instaure entre rythme et improvisation.

Cette indépendance qui témoigne d’une sonorité propre aux corps, reste constante tout au long des musiques utilisées dans la pièce, notamment Sweet dreams d’Eurythmics, ou bien encore le Concerto pour quatre claviers de Bach (BWW 1065), où les danseurs bougent par moments désynchronisés pour ensuite se retrouver ensemble.

L’Éloge des possibles montre différentes pistes d’exploration de l’écriture chorégraphique en mettant en jeu ses éléments fondamentaux. Avec ses trois interprètes, Amandine BrunArthur Gautier et Paul Grassin, Raphaël Cottin valorise le point d’origine de chaque geste, en proposant de « découvrir » sa danse ; il s’évertue à ne rien laisser passer pour créer une alliance féconde entre écriture, intensité et densité du mouvement.

Paris, Micadanses, 27 janvier 2025

Antonella Poli

 

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