Le Temps d’Aimer 2011-Lucifer
Thierry Malandain pour sa nouvelle création s’inspire de l’histoire de Lucifer, l’ange qui avait osé aimer une femme en contrevenant ainsi aux réglés du royaume des anges. La créature céleste apparait dans toute sa faiblesse et cède aux sentiments et aux plaisirs des humains.
La rencontre avec la belle femme se déroule en manière naturelle et charmante mais elle se développe en un crescendo d’émotions et sensualité. Le résultat est un duo d’amour au sol très sensuel et sexuel, les corps se fusionnent et s’enlacent avec tendresse et passion. La chorégraphie est sublime, les jeux de lumières claires suivent et marquent le rythme doux des évolutions des corps des deux amants en sacralisant ce moment éblouissant. Malandain a donné déjà preuve dans le passé, comme par exemple dans son Juliette et Roméo, de réussir à faire ressusciter les événements de la vie humaine pour les rendre sacrés. Une approche presque religieuse toujours tourné vers la recherche de la lumière.
Mais tout le ballet enchaine également de très belles scènes d’ensemble, multipliant les allers-retours entre le couple et les anges réprobateurs. La chute aux infères n’a rien de tragique et dramatique. Malandain la rend sur scène comme s’il s’agissait presque d’un passage naturel et Lucifer accepte son destin en prenant son revanche et devenant le roi des infères.
Toute la compagnie de danse s’affirme encore une fois grâce à toute sa vivacité et générosité, le public ressent son énergie et son enthousiasme. Malandain a réussi encore une fois à créer un ballet où son style et son langage chorégraphique, essentiel et pur, ressortent avec toute leur valeur.
La musique, commandée cette année au compositeur en résidence à l’Orchestre de Pau et Pays de Béarn, Guillaume Connesson, est originale et majestueuse. On y reconnaît certaines sonorités du Sacre de Stravinsky, de la musique de Gershwin ou bien de Berlioz. Le résultat est réjouissant, vivace, porté par un souffle puissant. L’OPPB, composée par 92 musiciens et dirigé par Fayçal Karoui, jouait en fosse et le résultat a été bien apprécié du public.
Puis, la soirée continue par la reprise de L’amour sorcier, une histoire d’origine andalouse de sorcellerie amoureuse qui s’inspire du flamenco et qui est animée sur scène par la voix d’une chanteuse qui chante sur la musique de Manuel de Falla. Le cadre est pittoresque, la danse est énergique et fluide et les danseurs bougent sur un plateau recouvert de pétales couleur cendre.
Et enfin, pour terminer, Thierry Malandain propose sa version du Boléro. Il se déroule dans un espace restreint délimité par des prismes, les danseurs sont enfermés et exécutent en manière presque mécanique leurs mouvements. On est loin de certaines interprétations du Boléro où les chorégraphes, comme par exemple Béjart, avaient suivi le rythme puissant de la musique de Ravel. L’idée de Malandain est bien différente : il souhaite tracer un chemin vers la liberté. Si la sensation de clôture et d’étroitesse sont bien rendues sur scène, pourtant le faible final du ballet n’arrive pas suffisamment à faire ressortir le désir de conquête de la liberté souhaité.