Le Rambert Ballet au Théâtre de la Ville

Chorégraphie : Ben Duke

Distribution : Rambert Ballet

ph.Camilla Greenwell

La compagnie anglaise Rambert Ballet est de retour à Paris au Théâtre de la Ville avec deux pièces de Ben Duke. C’est toujours un plaisir d’assister à leurs spectacles où leur style chorégraphique s’appuie sur des dramaturgies qui mettent en jeu les corps des interprètes de manière à la fois ironique et porteurs de significations. Leurs pièces créent dans le public, du début à la fin, la tension nécessaire à suivre leurs représentations.

Le Rambert Ballet présente à Paris jusqu’au 20 février Cerberus et Goat.

Dans la première pièce on aborde le thème de la mort, ou tout simplement de la disparition d’une femme ? Cette équivoque crée la curiosité. Dans l’absurdité des situations mises en scène, la pièce culmine avec une danse qui évoque des funérailles. Le cortège funèbre est conçu avec des images répétitives où les danseurs sont tous alignés les uns derrière les autres attachés aux nœuds d’une corde qui traverse toute la scène. Par moments, un danseur à la fois se détache pour un solo. Les autres suivent avec des pas synchrones. 

Goat ironise d’une part sur le sens du sacrifice en mettant au centre de la scène un « élu » et d’autre part lance un clin d’œil à la défense animalière car ce n’est plus une chèvre (d’ici le titre goat) qui est sacrifiée mais un être humain. De manière moqueuse , l’interprète sur scène a un masque de chèvre sur le visage. Dans la société contemporaine où la vitesse a été substituée à la réflexion par la superficialité des processus décisionnels, la pièce incite à prendre le temps pour faire mûrir « les événements ». Face au rituel du sacrifice, il faut attendre le bon moment pour l’accomplir.

La pièce nous plonge aussi dans les pouvoirs conquis de la communication : en fait elle commence avec la mise en scène d’une directe télévisée du sacrifice. Un animateur et un cameraman suivent attentivement tous les instants en attendant… Les musiques de Nina Simone se succèdent en créant des breaks et donnant encore plus de rythme à la dramaturgie. Le théâtre se conjugue à la danse conçue particulièrement pour mettre l’accent sur ses aspects plus libres et expressifs, sans révéler  une technique précise.

Un paradoxe se glisse dans le final : alors que le sacrifice semble avoir lieu avec le corps de l’ « élu » gisant au sol, une danseuse arrive, une jeune fille capable de le ressusciter grâce à ses sentiments évoqués sur scène.

Entre humour british et enjeux corporels plus proches du théâtre, le Rambert Ballet confirme son originalité. En 2026 la troupe fêtera ses cent ans et une prochaine tournée s’annonce à Paris au printemps prochain.

Paris, Théâtre de la Ville, 16 février 2024

Antonella Poli

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