Le Ballet national du Canada au Théâtre des Champs Elysées

Chorégraphie : Crystal Pite, James Kudelka, William Yong

Distribution : Ballet national du Canada

Ballet national du Canada - Angels' Atlas, ch. Crystal Pite - ph.Karolina Kuras

Transcendanses a ouvert sa nouvelle saison en accueillant à Paris, du 12 au 15 octobre, le Ballet national du Canada. La troupe canadienne basée à Toronto manquait à Paris depuis octobre 2017, année où elle avait présenté Nijinsky de John Neumeier.

Cette fois-ci, le Ballet national du Canada s’est produit au Théâtre des Champs Elysées avec trois pièces : Passion de James Kudelka, Utopiverse de William Yong et Angels’ Atlas de Crystal Pite.

Et c’est avec cette dernière pièce que nous commençons notre chronique.

Angels’ Atlas est captivante. Trois facteurs ont contribué à rendre cette œuvre magistrale.

Tout d’abord, Crystal Pite confirme son langage chorégraphique puissant, où le mouvement surgit du corps entier des danseurs. Chacun de leurs membres constitue une entité unique qui dégage une grande énergie. Même les deux solos présents dans la première partie de la pièce, interprétés par Heather Ogden avec Harrison James et par Alexandra MacDonald avec Spencer Hack, sont envoûtants, fluides, avec des lignes qui s’ouvrent et prennent l’espace. Le solo de Siphesile November exprime d’une part l’attachement à la vie et d’autre part ses derniers souffles.

Dans Angels’ Atlas, on retrouve la force captivante et entraînante des scènes d’ensemble. Elles se révèlent particulièrement prégnantes, grâce à des mouvements qui naissent du cœur des danseurs : ce sont des gestes évoquant à la fois la prière, le pardon et la pulsation des cœurs. Leur répétitivité, soutenue par le rythme pressant de la musique, accentue la portée spirituelle de l’écriture chorégraphique.

Hannah Galway et Siphesihle November – Angels-Atlas – ph.Karolina Kuras

En fait, Angels’ Atlas nous parle de la mort, de la vie, de la quête de l’infini, questionnements fondamentaux de l’homme. Les pas de deux symbolisent l’amour et la mort, leurs contrastes avec la détresse et les sentiments pour un être perdu. 

Le deuxième élément important de la pièce concerne les lumières. Crystal Pite, en collaboration avec le scénographe Jay Gower Taylor et le créateur des lumières Tom Visser, a employé un système qui permet de manipuler les reflets de la lumière, pour créer l’illusion de formes allongées et éthérées qui se transforment tout au long de la pièce, descendant du plafond et envahissant le fond de la scène. Leur blancheur et leurs contours indéfinissables évoquent certaines représentations des anges du Paradis de la Divine Comédie, du poète italien Dante Alighieri. Leur descente, en évolution continue vers les danseurs au sol, crée un fort impact visuel sur le public.

Quant à la musique, un meilleur choix ne pouvait être fait pour accompagner le sens spirituel dont la pièce est imprégnée. La partition de Owen Belton, accompagnée du suave Hymne de Chérubins de la Liturgie de St. Jean Chrysostome de Piotr Ilitch Tchaïkovski et de O magnum Mysterium de Morten Lauridsen, amplifie la signification de la gestuelle et de la performance de tous les danseurs du Ballet national du Canada, si fortement engagés.

Mais avant de nous plonger dans ce chef d’œuvre, nous avons pu découvrir les deux autres pièces de la soirée.

Passion est composée de trois parties et dansée par deux couples principaux qui symbolisent deux visions de l’amour différentes : d’une part, la première (Svetlana Lunkina et Christopher Gerty) incarne une vision contemporaine de la relation amoureuse qui se manifeste par des séquences chorégraphiques où les mouvements sont plus fluides et caractérisés par des lifts ; d’autre part, la deuxième (Geneviève Penn Nabity et Larkin Miller) représente une vision plus traditionnelle, représentée par l’élégance du langage classique utilisé dans tous les pas de deux. Ce contraste crée l’intérêt de la pièce qui, malgré les différences de style, résulte harmonieuse, les interprètes étant capables d’intégrer les « deux mondes ». Parfois, nous avons la sensation que le couple contemporain envie l’univers mesuré, esthétiquement parfait, qui les entoure. En fait, le Corps de Ballet qui accompagne les danseurs principaux reste sur les mêmes tonalités du classicisme et de l’équilibre des formes, en constituant l’atmosphère principale.

Koto Ishihara – UtopiVerse – ph.Karolina Kuras

Le programme a été complété par Utopiverse, une pièce sombre qui aborde les thèmes du Paradis perdu et du désir de l’homme de retrouver la lumière. Le chorégraphe William Yong exprime son propos en adoptant un style très géométrique et précis. Des groupes de danseurs se succèdent sur scène et la pièce ne dégage pas de vraies émotions, restant sur un registre abstrait. La synchronie des danseurs et la mise en scène guident les spectateurs tout au long de la pièce.

Théâtre des Champs Elysées, 12 octobre 2024

Antonella Poli

 

 

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