Latitudes Contemporaines 2012
Le Festival Latitudes Contemporaines fête ses dix ans en 2012, dix ans d’évolution et de belles surprises. Ce festival dont l’origine remonte à 1997 est toujours organisé par sa créatrice Maria Carmela Niti.
Plasticienne de formation et fascinée par le monde du théâtre et de la scénographie, cette artiste eut l’idée originale de créer un festival de danse contemporaine à Lille. Création survenue dans un contexte d’exploration qui donna naissance à de nouveaux concepts chorégraphiques. Parmi les premiers artistes invités on retrouve le danseur Xavier le Roy et le chorégraphe Alain Buffard.
C’était l’époque de l’art » vide » comme Maria Carmela aime le dire, un art qui malgré tout, faisait la part belle à la sensibilité artistique et à l’engagement politique.
Après son séjour à Londres où elle travaillait dans une société de production en compagnie d’une vingtaine d’artistes, Maria Carmela Niti est invitée à Lille pour poursuivre son aventure dans le cadre d’une nouvelle édition de Latitudes Contemporaines. Lille qui fait appel au talent de l’artiste souhaiterait retrouver son animation culturelle consacrée à l’art corporel par excellence.
Forte de plusieurs années d’expérience, Maria Carmela s’engage pleinement dans ce projet qu’elle entend renouveler et enrichir: elle prédilige une danse qui ait du contenu et du caractère, reflétant même certaines idées politiques et sociales. De par son engagement politique, Steve Cohen fait justement partie de ses artistes préférés. Maria Carmela nous fait également découvrir de nouveaux artistes talentueux, qu’elle encourage dans leurs créations en jouant le rôle de leur marraine.
A travers ce festival, elle parvient à diffuser de nouvelles créations et à inspirer le public de la région lilloise et le familiariser avec les nouveaux concepts de la danse contemporaine. Elle instaure ainsi une relation de confiance avec les artistes qu’elle voit évoluer au fil des années et des spectacles.
A l’occasion de cette édition 2012, Nous avons pu suivre deux spectacles au théâtre Phoenix de Valencienne.
Le premier, Sakinan Sakinan Göze Cop Batar (C’est l’oeil que tu protèges qui sera perforé) est un solo crée par Christian Rizzo. Le danseur Kerem Gelebek y est sublime dans son interprétation.
Le solo fait référence à l’exil et la solitude avec une grande finesse et un sens profond de la pudeur. Au début du spectacle, le danseur est assis sur un grand tabouret avec son sac à dos, les lumières sont chaudes sans être trop fortes. Il réfléchit à sa solitude et à son état d’âme.
Commence ensuite une danse, dans laquelle il se crée son propre territoire, sur le sol de la scène on voit apparaître le mot HERE qui se transforme peu après en THERE. Son corps s’engage alors dans une danse subtile et plastique. Le public recueille toute l’intensité de son interprétation et de ses sentiments. Les mots sont impuissants devant la beauté de son langage corporel qui arbore à la fois une gestualité contemporaine et une chorégraphie au sol qui s’inspire de la danse hip hop.
Le danseur se dénude symboliquement de toute matérialité en enlevant ses chaussures et ses chaussettes, les posant délicatement et soigneusement sur le sol. C’est le tour des livres, qu’il jette sur le sol. La pièce ne sombre pourtant jamais dans le dramatique, elle reste subtile et silencieuse au fil des enchainements chorégraphiques.
Une pièce touchante et tout à fait réussie qui mène le spectateur dans l’intimité d’un monde poignant et personnel et lui fait vivre une histoire dans laquelle se mèlent des sentiments intenses et émouvants, porteurs d’une réflexion profonde sur le thème de l’exil et de la solitude.
Le deuxième spectacle, Paradistinguidas de La Ribot constitue un des projets les plus importants dans la carrière de cette danseuse et chorégraphe espagnole.
Il s’inscrit dans une continuité artistique et formelle marquant le retour à deux thématiques centrales dans son travail depuis les années 90 : d’un côté un questionnement autour de la structure et de la condition du spectacle contemporain, commencé avec les premières séries de Pièces distinguées (soli de durées allant de 30 secondes à 7 minutes), et d’un autre côté un travail sur les figurants en tant que matière vivante et sur leur condition flottante de spectateurs et d’interprètes à part entière.
Paradistinguidas est le quatrième chapitre de ces Pièces distinguées dans lequel figurent quatre danseuses accompagnées d’une vingtaine de figurants choisis dans la région valencienne.
La chorégraphe espagnole use d’ironie et d’un grand sens théâtral et traite de sujets de la vie commune, son style tranche complètement avec celui du premier spectacle. La scène est riche en couleurs, et la chorégraphie bien que provocante ne frôle jamais le vulgaire. Les figurants dansent en suivant le rythme des danseuses professionnelles : la chorégraphie est faite de diagonales et de mouvements simples et répétitifs.
Ce spectacle trouve son sens dans l’ironie qui s’y dégage et dans la succession de scènes qui s’intègrent toutes parfaitement sans jamais laisser de place à la moindre rupture scénique.