La Pastorale
Chorégraphie : Thierry Malandain
Distribution : Malandain Ballet Biarritz
Thierry Malandain, directeur du CCN-Malandain Ballet Biarritz, saisit l’occasion de la commande de l’Opéra de Bonn pour célébrer les 250 ans de la naissance de Ludwig van Beethoven en créant une des pièces les plus spirituelles de son répertoire. Le chorégraphe, animé par son esprit toujours tourné vers l’humanité et par son langage chorégraphique limpide et pur, nous livre avec La Pastorale un message de beauté et de sérénité. Mais son parcours créatif n’est pas simple.
En fait, plutôt que de se limiter à nous présenter un Eden imaginaire, Thierry Malandain joue sur le contraste avec notre époque troublée qui semble avoir perdu ses valeurs universelles. Le protagoniste de la Symphonie n.6 de Beethoven, La Pastorale, devient un jeune homme contemporain, perdu, renfermé sur lui-même.
Le quadrillage qui constitue le décor de la première partie du ballet, structure métallique composée de carrés assemblés ressemblant à des cages, se révèle un choix réussi pour représenter les sentiments d’inquiétude et la perte d’espoir vers une possible issue. Les danseurs bougent dans des carrés fermés, se heurtent contre des barreaux et, avec des acrobaties, cherchent à s’échapper. Thierry Malandain préfère utiliser dans ce contexte des extraits musicaux des Ruines d’Athènes de Beethoven, le chant accompagnant de manière plus profonde cet état de détresse.
Cette partie ne peut que constituer un prologue nécessaire pour nous emmener vers un univers dominé par l’équilibre des formes et la beauté des lignes exprimées par la chorégraphie. En éliminant toute référence à la structure descriptive des cinq mouvements de l’œuvre de Beethoven, Thierry Malandain nous plonge dans une espèce d’Arcadie, un rêve pour le protagoniste (Hugo Layer).
Avec la scène épurée, des figures angéliques l’entourent : tuniques blanches, ports de bras qui s’élèvent au ciel, arabesques étirées à l’infini. On pourrait aussi reconnaitre les trois muses de l’Apollon Musagète de George Balanchine, Polymnie, Calliope et Terpsichore, mais dans ce ballet elles n’ont pas le même rôle. En fait, elles sont indépendantes, soutiennent et conduisent le protagoniste, le surprennent à s’élever vers un état de grâce ; il n’est pas le divin Apollon.
La chorégraphie est très dynamique, constituée par des entrées et des sorties de groupes de danseurs, évoquant les plus belles images de l’art grec. Harmonieusement, Thierry Malandain accorde une préférence à des figures circulaires, à des spirales, pour constituer un univers pacifique où tous sont en communion entre eux. Des escargots, avec leurs coquilles enroulées, traversant la scène, le symbolisent.
Les sonorités puissantes du quatrième mouvement de La Pastorale, L’orage, nous rappellent pour quelques instants l’existence de la lutte entre les hommes. Le pas de deux entre Frederick Deberdt et Arnaud Mahouy en est l’exemple.
Mais la fonction cathartique de la partie centrale du ballet a atteint son résultat. Le Paradis s’ouvre avec les notes de la Cantate Op.112 de Beethoven : la danse jubilatoire du Malandain Ballet Biarritz conclut la pièce, un succès incontestable pour son auteur Thierry Malandain, qui a été reconfirmé à la tête du CCN-Malandain Ballet Biarritz jusqu’à la saison 2024-25.
Chaillot, Théâtre national de la Danse, 13 décembre 2019
Antonella Poli
Autour de la Pastorale, Interview de Thierry Malandain