La Jeune Fille et la Mort
Chorégraphie : Stéphan Thoss
Distribution : Les Grands Ballets Canadiens de Montréal
Musiques : Philip Glass, Nick Cave et Warren Ellis, Alexandre Desplat, Clint Mansell, Finnbogi Petursson, Rachel Portman, Trent Reznor et Atticus Ross, Franz Schubert (avec arrangements de Gustav Mahler), Christopher Young
Les Grands Ballets Canadiens de Montréal dirigés par Gradimir Pankov sont en tournée à Paris pour célébrer les soixante ans de la compagnie. Ils ont présenté La Jeune fille et la mort au Théâtre National de la Danse Chaillot, pièce contemporaine aux accents néoclassiques conçue pour décliner les trajectoires de la vie humaine qui se soldent par sa finitude.
La chorégraphie de Stephan Thoss l’exprime en mouvement, dans un décor sobre d’un noir profond sans brillance, fait de quelques plans inclinés et de portiques mobiles figurant tables ou lis, portes ou fenêtres.
Sur scène, des pans de la vie ordinaire se déroulent en tant qu’étapes dans lesquelles chacun peut se projeter. La mort est là avec ses hommes en noir, silhouettes aux aguets dans la pénombre ; elle est confrontée à une énergie vitale humaine, représentée par la figure féminine, qui domine et dialogue avec le monde environnant. Les éléments qui le composent sont symboliquement traduits par des duos virtuoses évocateurs de la légèreté de l’air, de la violence du feu, de l’ancrage dans la terre, de la fluidité de l’eau ; tandis que la vie s’écoule dans un tourbillon dansé qui se transforme depuis le désir pulsionnel juvénile, l’embrasement sexué jusqu’à l’assagissement de la maturité.
Cependant, les hommes en noir ne sont jamais très loin, engageant avec la (jeune) fille entourée de danseurs des scènes de tentation, feinte, séduction, poursuite, dégagement mais l’emprise va inéluctablement se refermer sur elle. Dans une souplesse et une célérité exceptionnelles, glissades, tours, portés, entrelacs des gestes et postures se chargent d’émotions et font sens, renforcés par un choix musical éclectique qui emplit l’espace.
Si la vie inclut la mort dès le premier jour, il faut alors ne pas oublier d’en jouir jusqu’au dernier souffle, sans rien ignorer du destin humain qui combine à la fois son anéantissement et sa continuité. La dernière séquence achève de sublimer le ballet. Alors que les danseurs disparaissent, une jeune fille – très jeune, d’allure très innocente et très joliment habillée de vert – marche seule jusqu’à l’avant-scène ; elle s’accroupit, mains sous le menton, soutient le regard du public et néglige le rideau qui descend. Elle s’apprête à nous raconter la vie ou à se l’entendre énoncée par l’audience à la manière de « il était une fois… », comme un conte.
Outre la danse scénique et son message ontologique de lucidité et d’espoir, les Grands Ballets Canadiens de Montréal mènent aussi un travail impliquant la danse dans la recherche du mieux-être avec leur soutien au « Centre National de Danse-thérapie* ». Ainsi, une journée d’échanges s’est tenue au Centre Culturel Canadien de Paris pour promouvoir « la danse au service de la santé ». Après formation et dans ce sillage, des professionnels peuvent proposer des séances adaptées** à des personnes en souffrance due à divers problèmes (handicap moteur, Parkinson, psychose, autisme, Alzheimer, addiction, abus traumatiques…) et/ou à celles qui souhaitent un meilleur équilibre intérieur psycho-physique (développement personnel), visant aussi des objectifs de réadaptation et de socialisation.
« Faire bouger le monde. Autrement. » est véritablement le credo des Grands Ballets Canadiens de Montréal qui ont fasciné par leur spectacle.
* Christian Sénéchal est le Directeur de ce Centre. Il a organisé et participé activement à cette journée de débats « Les Arts et la Santé ».
** Jocelyne Vaysse, La Danse-Thérapie, Histoires, Techniques, Théories, L’Harmattan, Paris, 2006.