Joyaux
Chorégraphie : George Balanchine
Distribution : Dorothée Gilbert, Ludmila Pagliero, Myriam Ould-Braham, Germain Louvet, Hugo Marchand (étoiles); Valentine Colasante, Hannah O'Neill et François Alu (Premiers danseurs), le Corps de Ballet de l'Opéra national de Paris
Musiques : Gabriel Fauré, Igor Stravinsky, Piotr Ilyitch Tchaikovski
Joyaux est un ballet en trois parties de George Balanchine, créé en 1967 et entré dans le répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en l’an 2000.
Le chorégraphe fut inspiré des « joyaux », émeraudes, rubis et diamants exposés dans les vitrines des bijoutiers de la 5ème Avenue de New York et en même temps il voulut rendre hommage à la beauté des femmes, notamment ses ballerines. Il associe les trois pierres précieuses aux trois univers de sa vie : les diamants rappellent les fastes impériaux de Saint Pétersbourg, ville de ses débuts de danseur et de chorégraphe au théâtre Mariinsky ; les émeraudes symbolisent la France, pays de son exil et de sa collaboration avec Diaghilev ; les rubis, New York, où il créa le New York City Ballet.
L’Opéra national de Paris ouvre sa saison avec ce ballet qui ne cesse jamais de nous étonner. Il s’agit de se plonger dans la créativité du génie de George Balanchine et d’apprécier son travail chorégraphique ancré dans le patrimoine classique.
En fait, le public peut apprécier trois styles de « ballet » intimement liés aux musiques et à l’histoire du chorégraphe.
Émeraudes surprend par son romantisme ; il représente le sommet de l’Ecole française. Les étoiles Dorothée Gilbert et Myriam Ould-Braham ne manquent pas au rendez-vous. La première incarne l’élégance et rend tous ses pas éthérés grâce à des ports de bras qui semblent embrasser tout l’espace de la scène et toucher le ciel. Ses développés, ses piqués, ses arabesques et ses attitudes sont un régal. La deuxième se distingue par son lyrisme, sa grâce et sa musicalité et l’on apprécie un très bon travail sur les pliés.
L’étoile Hugo Marchand les accompagne dans le pas de trois, un passage où les interprètes mettent en valeur l’élan de la musique, des extraits des suites de Pelléas et Mélisande et Shylock de Gabriel Fauré. Au fond de la scène, une toile qui laisse briller en transparence une émeraude contourne le corps de ballet.
Dans Rubis, on respire toute l’atmosphère de Broadway. Le romantisme laisse la place à l’effervescence des scènes newyorkaises. Hannah O’Neill brille comme une star, scintillante dans la guêpière rouge qui lui tient lieu de costume. Le langage chorégraphique est composé de mouvements séduisants où les jeux de hanches assument un rôle prédominant comme dans la danse jazz. Les deux autres interprètes principaux de cette partie, Valentine Colasante et François Alu, donnent vie à des pas de deux dansés avec brio et gaieté. Balanchine mélange parfaitement les codes classiques avec des mouvements qui laissent une meilleure liberté d’expression. François Alu est à l’aise pour incarner un rôle qui requiert des qualités telles que la rapidité et la capacité de créer une bonne entente avec sa partenaire. La musique syncopée de Stravinsky, le Capriccio pour piano et orchestre, rythme les danseurs dans leur effervescence.
Diamants est un hommage à la tradition russe du ballet, héritée de Marius Petipa. Le choix de la musique, la troisième Symphonie, op.29 de Tchaïkovski, auteur des ballets les plus importants de l’époque impériale est une preuve. Les tutus classiques blancs brodés s’estampillent sur une scène épurée et s’intègrent à la scène qui reproduit un ciel étoilé. En fait, une toile bleu ciel constitue le fond du plateau avec sur le plafond des éclairages en guise de voie lactée. Cette partie à une allure tout à fait impériale ; la chorégraphie est parfaitement conçue pour évoquer les fastes de l’ancienne Russie. La similitude avec les anciens ballets est évidente car on y retrouve certaines images, notamment du Lac des Cygnes et de Casse-Noisette. Les deux étoiles Ludmila Pagliero et Germain Louvet donnent du lustre à toute l’élégance et l’équilibre « royal » dont Petipa est un maître. Les penchés arabesques, les piqués et les cambrés de l’étoile Pagliero en sont des exemples, tout comme les fouettés de son partenaire. Les pas de deux sont romantiques, le rôle de la ballerine est mis en valeur dans toute sa splendeur. Le Corps de ballet entoure, comme une couronne, les deux interprètes principaux par sa syntonie et l’attention dans l’exécution de jetés, sissonnes et glissades. Le final est resplendissant et captivant, rendant justice à l’actualité du patrimoine classique.
Jusqu’au 12 Octobre à l’Opéra national de Paris