Ineffable

Chorégraphie : Jann Gallois

Jann Gallois - ph.Gaelle Astier Perret

Jann Gallois, artiste associé de Chaillot-Théâtre national de la danse depuis 2017, faisant suite à son premier cycle démarré avec P=mg et achevé avec Samsara en 2019  récompensé par plusieurs prix internationaux, conçoit un nouveau cycle avec la création Ineffable, présentée du 22 Septembre au 1er Octobre dans le théâtre parisien.

La pièce s’inscrit pour elle à la suite d’un temps de silence et de retraite de 2 mois d’ordre spirituel, peut-être aussi en dissidence avec une modernité sociale oublieuse du sacré et/ou avec une humanité désemparée.

Le titre Ineffable veut traduire son vécu, sentiment indicible et quête de paix intérieure, imprégné de bouddhisme, loin du paraître et d’un Ego égocentrique. Citant un maitre yogi inspirant, elle s’appuie sur la matière corps -ou plutôt corps-esprit-, retenant que « tout l’enjeu est d’apprendre à faire de son corps non pas un obstacle mais l’instrument même de sa propre réalisation » (site Compagnie Burn Out).    

Par des signes musicaux et posturo-gestuels entremêlés, sa proposition prend forme et fait sens dans une vaste palette d’alliance musique – danse due à la diversité des instruments réunis sur scène et à l’ampleur du vocabulaire chorégraphique, l’ensemble étant puisé dans les cultures occidentales et orientales hindouistes et bouddhistes.

Nous sommes – public – entrainés dans ce questionnement profond et nous plongeons d’emblée dans une atmosphère empreinte de solennité.

ph.Gaelle Astier Perret

Jann Gallois est assise en tailleur, nous offrant sa silhouette de dos, puis elle se lève et marche vers un cercle plein lumineux dominant une estrade posée sur le plateau et elle frappe à rythmes réguliers un énorme wadaiko japonais (tambour installé sur trépied). Puis la cadence varie, se joue des rites traditionnels et se prolonge, accompagnée de chants et de mantras à pouvoir spirituel, d’autres vibrations sonores et tintements, et de notes plus occidentales jazzy et électro.

Tandis que le disque de lumière pâlit, Jann lâche les maillets de percussion pour se lancer dans une poésie dansée. En pantalon marron et chemise blanche, elle glisse du hip hop désarticulé, de soubresauts animant son corps et d’esquisses de pas populaires, à une belle fluidité coulée et ralentie sans référence dogmatique.

De courtes plages successives de silence introduisent à la variété de son savoir de musicienne et d’interprète, doublée de sa capacité à les unifier. Dans ce long solo, Jann associe un florilège de sons divers, de mudras sacrés des doigts et mains, de gestes techniques, fonctionnels, ornementaux, d’attitudes christiques fugaces, de poses faussement déséquilibrées, jusqu’à rouler au sol et sembler mourir d’épuisement.

Dans d’autres séquences, elle devient prisonnière d’une cage, d’abord statique et hiératique « au-dedans » et n’agitant que ses bras, elle s’en s’extrait progressivement, renversant son torse, agrippant l’armature, maitrisant son énergie pour parvenir à s’en délivrer « au-dehors ».

Elle est libre alors de retourner vers le disque solaire et le volumineux wadaiko, assenant une dernière et transcendante frappe dont la résonance se mélange aux applaudissements nourris.

 L’élégance de la danse, l’inventivité performative contemporaine et quelques postures de yoga sur diverses sonorités rythmées forment comme une généreuse matrice, susceptible d’être déployée sous divers angles dans les futures chorégraphies annoncées par l’artiste. Elle assume son jeu d’une vie intérieure extériorisée, tous les ingrédients communient sans retenue dans une véritable harmonie, révélant l’immense virtuosité de Jann Gallois.

Jocelyne Vaysse

Chaillot – Théâtre national de la danse, 22 Septembre 2021

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