In Paris
Après le duo époustouflant de l’année dernière avec Ana Laguna, Mikhail Baryshnikov revient sur la scène parisienne du Théâtre National de Chaillot pour clôturer l’édition 2011 des Etés de la Danse.
La réputation de ce danseur talentueux et charismatique règne depuis longtemps sur le monde entier.
Mais cette fois, il se présente au public parisien dans une pièce où se mêlent théâtre, mimes, musique et vidéo, dans un décor constitué principalement d’anciennes cartes postales en noir et blanc de Paris.
C’est une production du Baryschnikov Arts Center & du Dmitry Krymov Laboratory, en association avec la Russian Century Foundation et le Théâtre Korjaamo à Helsinki, née de l’adaptation de la nouvelle In Paris de l’écrivain Ivan Bunin, premier artiste russe à recevoir le Prix Nobel de la littérature.
La pièce raconte la rencontre en 1930 d’un couple d’émigrants russes dans un restaurant de Paris, à Passy, dans le XVIe arrondissement. Michail Baryschnikov, général de l’Armée Russe blanche et Anna Sinyakina, serveuse du restaurant tombent passionnément amoureux l’un de l’autre. Entre un plat de caviar rouge et une soupe aux choux, s’engage un dialogue profond et dont jaillissent des sentiments clairs et authentiques.
Mikhaïl Baryschnikov qui s’exprime pour la première fois sur scène en sa langue maternelle, le russe, fait une prestation magistrale et confirme ainsi ses qualités d’acteur et d’artiste reconnu.
Il s’agit d’une pièce intime qui fait voyager le public dans un monde presque surréaliste, en lui donnant parfois l’impression de se trouver devant un tableau de Chagall ou de Magritte. Les dialogues et les approches amoureux sont de courte durée, discrets mais sensuels, tout est conçu à l’enseigne de la délicatesse et du sentiment.
Les acteurs jouent la plupart du temps face au public, leurs mouvements sont limités, ce qui rend encore plus poignante la signification de leurs regards et de leurs mots. Ils renferment et reflètent à la fois une mélancolie poétique nourrie des souvenirs du passé et une ivresse palpitante inhérente à leurs sentiments amoureux et leur désir de revanche sur la vie.
Mais les heures de cet amour sont comptées, le couple est brisé par le décès du général. C’est le monde d’une véritable solitude qui s’ouvre ainsi dans la vie de la jeune femme amoureuse. L’intention de Baryschnikov n’est-elle pas justement de créer une pièce sur les méandres de cet isolement intérieur ? Cette rencontre amoureuse n’est en réalité qu’un prélude à une rencontre tout aussi émouvante, celle de la solitude.
Le résultat est de toute évidence remarquable. Avec cette nouvelle production, Baryschnikov a encore une fois gagné son pari d’artiste émérite.