Giselle
Chorégraphie : Marius Petipa
Distribution : Ballet national d'Ukraine
Musiques : Adolphe Adam
Fondé en 1867 à Kiev, l’Opéra national d’Ukraine est aujourd’hui considéré comme l’une des plus grandes maisons d’opéra en Ukraine, dont la réputation de la compagnie de ballet n’est plus à faire.
Connue sous le nom de Ballet national d’Ukraine ou Ballet national de Kiev, la troupe de ballet se développe véritablement au début du XXème siècle sous l’influence de grandes figures de la danse ukrainienne, notamment celle de Mikhail Mordkin.
Habituée de la scène du Théâtre des Champs-Elysées, les venues de la troupe à Paris sont devenues un événement artistique à résonance européenne et ont donné un élan à de nombreuses représentations ultérieures en Europe, Asie et Amérique. Juste avant le début du conflit en Ukraine, la compagnie se produisait partout dans le monde, avec un répertoire de 24 ballets.
Le bruit des premières bombes lancées sur Kiev le 24 février dernier par les armées russes est encore vivant dans les souvenirs des étoiles du Ballet national d’Ukraine, Natalia Matsak et Sergeii Kryvokon : « Nous allions danser La Bayadère à Kiev quand nous avons été réveillés par le bruit des bombes et les sirènes d’alerte. Pendant un mois, nous sommes restés plongés dans une totale sidération. Puis nous nous sommes habitués – disent-ils avec émotion – et nous avons recommencé à bouger avec deux objectifs précis : remonter un ballet et aider la population traumatisée. » Et sur leurs conditions d’entrainement, ils expliquent : « Chaque jour, nous essayons tous de participer à un cours et à une répétition et les représentations dans la capitale ont repris le 21 mai. Quand tu vis aujourd’hui en Ukraine, tu es dans une autre dimension, beaucoup d’artistes et de compagnies ont disparu, avec parfois la destruction de leur théâtre. Et il y a des coupures d’électricité et d’eau qui sont dramatiques pour l’hygiène. Notre Opéra National maintient trois représentations par semaine, le vendredi à dix-sept heures et les samedi et dimanche, à quinze heures. Avec une jauge réduite à cinq cents spectateurs : nombre maximum que l’abri anti-bombes sous le théâtre peut accueillir ! » (Jean Couturier,Théâtre du Blog).
Dans ce contexte si difficile se situe la tournée du Ballet national d’Ukraine à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, dans le cadre de la saison 2022/23 de Transcendanses. Dans les dix-sept représentations programmées dans le théâtre parisien, la troupe présente jusqu’au 5 janvier 2023 un des ballets les plus représentatifs du répertoire classique, Giselle, avec la chorégraphie de Marius Petipa.
Le public peut assister à une Giselle épurée où les gestes de pantomime restent mesurés et où l’interprétation des deux étoiles, Natalia Matsak et Sergeii Kryvokon dans les rôles principaux de Giselle et Albrecht, ne cède jamais à la représentation de sentiments mièvres ou excessifs. Le ballet est dansé dans le respect des règles classique et le Corps de Ballet montre un niveau de bonne qualité.
Natalia Matsak apparait extrêmement fragile, elle se livre inconsciemment à son destin. Elle sait rendre avec un extrême naturel sa peine, sa douleur, sa faiblesse dans la célèbre scène de sa folie et ensuite de sa mort, qui clôt le premier acte.
Le deuxième acte se déroule de nuit, dans le paysage fantastique du Royaume des Wilis. Immatérielle et spirituelle, la chorégraphie présente comme élément prédominant et emblématique la figure de l’arabesque, qui trouve son apothéose dans la scène où toutes les danseuses du Corps de Ballet traversent la scène, se croisent, en dessinant des lignes infinies. Dans cet acte, la figure de Giselle, désormais esprit ressuscité de sa tombe, apparaît dans tout son être immatériel, en apesanteur et donc non soumise aux lois de la gravité, libre de se laisser aller encore, dans les derniers instants, dans les bras du prince Albrecht.
Les deux amants peuvent profiter de danser encore ensemble, grâce à l’accord de Myrtha, la reine des Wilis, remarquablement interprétée par Kateryna Kurchenko qui, dès sa première apparition au début du deuxième acte, excelle par sa technique et par sa capacité d’incarner le rôle autoritaire que le personnage requiert.
L’ovation du public salue et encourage le travail de la compagnie, qui se bat quotidiennement pour que l’art de la danse puisse devenir symbole de résistance contre l’invasion russe et offrir au peuple ukrainien des moments d’apaisement. Nous espérons retrouver la troupe prochainement à Paris avec leur nouvelle production La Reine des Neiges qui n’a pas pu être présentée en cette fin d’année à cause des difficultés traversée par la compagnie en Ukraine.
Théâtre des Champs Elysées, 22 Décembre 2022
Antonella Poli