Espaces Vitaux
Chorégraphie : Anne Plamondon
Musiques : Cléo Palacio-Quintin
C’est le deuxième rendez-vous autour de la solitude offert par le Festival de Saint-Saveur, cette année en version numérique. « Un autre moment de partage des émotions autour de la création, des sentiments d’anxiété nous lient ensemble » affirme son directeur artistique Guillaume Côté.
Anne Plamondon, chorégraphe québécoise, y répond : elle est confrontée à la composition musicale pour trombone de Cléo Palacio-Quintin et elle crée à son tour le solo dansé Espaces Vitaux dont elle est interprète.
La chorégraphe, dans un échange préalable avec Guillaume Coté, a précisé le maintien de sa forme à domicile par des work-out avec sa fille ; le besoin du regard de l’autre qui confirme le je suis là, j’existe ; l’émergence grisante d’un projet à partir de l’improbable et sa transformation en quelque chose de créatif. Elle ajoute : L’art nourrit notre esprit, il contribue à l’équilibre de notre âme du point de vue de la santé.
La compositrice Cléo Palacio-Quintin s’est inspirée de sa propre expérience d’immobilisation forcée en janvier dernier : une fracture de la jambe. La structure musicale de sa pièce est guidée par les différents temps de sa rééducation motrice : les sonorités basses du trombone ponctuées par des instants de silence marquent la chute ; le registre aigu des sons traduit la période douloureuse, la montée sonore prolongée illustre l’effort physique soutenu de la reprise progressive de la marche.
La création chorégraphique est imaginée à partir d’une première écoute musicale, du diagramme de la partition, accompagnés des commentaires de la compositrice.
On surprend Anne Plamondon à s’essayer chez elle, sur le tapis de son salon, à des mouvements du haut du corps puis à des pas sautillés enchainés, évocateurs de sensations et de l’état intérieur cérébral de Cléo Palacio-Quintin malgré l’impératif distanciel des deux créatrices.
Puis l’interprète apparaît, justaucorps rose fuchsia et pantacourt violine, transposant sa recherche sur un plateau inséré dans une clairière de la forêt, animée par l’interprète au trombone Patrice Richer qui se tient à proximité.
Elle débute son solo assise au sol, jambes croisées, avec des gestes lents autour de son visage, yeux fermés, renfermée sur elle-même. Un bruit de fracas métallique suggère la fracture et la chute. Son corps emprisonné exprime alors sa douleur ; elle tente de la maitriser en se concentrant sur des mouvements qui naissent de manière impulsive du haut du corps puis s’étendent avec quelques positions classiques et connues des pieds, des cambrures du dos et inclinaisons de la tête… Elle est perdue, son regard cherche l’espace, ses bras s’étirent et se laissent porter par son imaginaire cinétique afin de vaincre ses angoisses en chassant le sol, pliant son genou le plus haut possible pour tester sa force. Ainsi, elle s’engage dans un chemin d’exploration, dans une lutte contre ses propres capacités diminuées pour les récupérer et recouvrer la santé. Les pulsations rythmées du trombone qui augmentent leur rythme emmènent la danseuse, par ses rotations et ses marches rapides sur place, par ses cabrioles et relevés, vers un état d’ivresse, de dépassement de soi et de ses limites.
On ne connaîtra pas là où elle arrivera… Sa création s’arrête sur une enjambée… suspendue qui nous laisse imaginer la poursuite de sa course…
12 Juillet 2020
Antonella Poli, Jocelyne Vaysse