Débandade, d’Olivia Grandville
Chorégraphie : Olivia Grandville
Olivia Grandville, ex-danseuse de l’Opéra de Paris et l’une des interprètes phares de Dominique Bagouet, transporte le public de la salle Firmin Gémier de Chaillot – Théâtre national de la danse avec sa pièce Débandade. Elle questionne le sens de la masculinité, sujet au centre des débats de notre époque, à travers des récits dansés basés sur les histoires personnelles des sept interprètes, teintés de leur imaginaire.
Dans le début de la pièce la pensée stéréotypée qui considère la danse comme art féminin émerge au travers des vécus racontés par les danseurs. Seul l’un d’entre eux peut vivre sa passion librement et le mouvement dansé naît naturellement de son corps au point d’investir les actions de sa vie ordinaire, sans aucune contrainte extérieure.
Les corps en scène véhiculent l’énergie qui anime les danseurs ; ils se livrent dans des soli ou dans des scènes de groupe avec générosité et parfois en ironisant sur la façon d’apparaître et d’incarner le genre masculin. Chacun, avec sa propre singularité, laisse parler son corps et c’est cette diversité qui crée en même temps la beauté de la pièce.
Un DJ, situé sur le côté de la scène, orchestre une playlist comprenant des musiques de styles et d’époques différentes, d’Elvis Presley à la techno en passant par Ennio Morricone, de la musique baroque au RnB. Chacune donne l’occasion de magnifier la musicalité des interprètes en toute liberté et de peindre des portraits sur la conception de la masculinité en jetant un clin d’œil, notamment aux films western ou aux chasseurs.
Le renversement des clichés s’opère en crescendo jusqu’au moment où les danseurs commencent à défiler un par un sur une scène installée sur le plateau. Ils se succèdent en s’habillant dans des manières des plus disparates, parfois les plus emphatiques, qui soulignent les formes masculines. Les références au body building ne manquent pas… c’est l’exaltation du masculin.
Mais le final élimine toute barrière en réalisant une bascule qui souligne la nature animale de l’homme : les danseurs deviennent oiseaux, singes, castors. Retrouvent-ils ainsi leur liberté, au-delà de tout jugement ? Certes, Olivia Grandville a entraîné ses danseurs avec précision tout en laissant la porte ouverte à l’interprétation personnelle et aux différentes corporéités.
Sous les applaudissements du public, les artistes saluent en improvisant une sorte de battle enthousiasmante, synthèse de l’énergie et de l’humanité que dégage Débandade.
Paris, Chaillot – Théâtre national de la Danse, 16 octobre 2024
Antonella Poli