Dancing with Bergman
Chorégraphie : Johan Inger, Alexander Ekman, Mats EK
Musiques : Monteverdi, Chopin, Rölcke
Transcendanses rend hommage au centenaire de la naissance d’Ingmar Bergman avec un spectacle émouvant et exceptionnel présenté au Théâtre des Champs Elysées à Paris. Il réunit trois grands chorégraphes suédois : Johan Inger, Alexander Ekman et Mats Ek. Bien que différentes dans leur genre, les trois pièces présentées, 4 Karin de Johan Inger, Thoughts on Bergman d’Alexandre Ekman et Memory de Mats Ek créent un lien affectif entre l’esthétique des films d’Ingmar Bergman et leurs chorégraphies. Toutes les trois mettent en avant des relations humaines complexes et profondes, basées sur des sentiments à la fois durs et sombres portés sur scène de manière poétique et touchante.
Pour 4 Karin, Johan Inger s’est inspiré du film d’Ingmar Bergman et Donya Feuer, The Dance of Damned Women, avec la musique Il ballo delle Ingrate SV.167 de Claudio Monteverdi. Le ballet reconstruit la scénographie du film imaginant quatre femmes renfermées dans un espace clos. Elles représentent quatre générations différentes avec leur vision sur l’émancipation et leur désir de s’imposer. Face à l’autorité de la grand-mère et de la mère, habillées de noir, contrastent les deux jeunes filles, en bleu, symbole de leur innocence. L’aspect dramatique est saisissant et se révèle sous différentes formes : le pouvoir de la grand-mère qui reste gardienne de l’espace ; la complaisance de la mère envers les restrictions ; le désespoir des jeunes filles qui voudraient se libérer sans jamais chercher des actions fortes, restant soumises. Les quatre danseuses sont excellentes car leurs mouvements, si linéaires et apparemment simples dans la gestuelle, dégagent de fortes émotions.
Thoughts on Bergman, le solo d’Alexander Ekman, qui danse dans cette soirée spéciale, est un hymne à la créativité. Le geste dansé est pure plaisir, affirme-t-il. Sa performance est basée sur des jeux de bras et de mains accompagnés de ses réflexions orales. Le chorégraphe suédois est captivant malgré le minimalisme de sa création.
Et quel plaisir de revoir encore se produire ensemble Mats Ek et Ana Laguna dans Memory. Le temps n’est pas passé pour ces deux grands artistes qui ne cessent de nous enchanter. Leurs corps ne vieillissent jamais, ils sont spéciaux car leur danse est un dialogue continu, clair, qui n’a pas besoin d’autre explication. Leur histoire est celle d’un couple avec leurs doutes, leurs moments intimes, toutes leurs faiblesses. Ils se livrent avec une absolue générosité en produisant l’alchimie que seulement ces deux interprètes arrivent à créer. La texture de la pièce a des affinités évidentes avec les problématiques plus abordées dans les films de Bergman, notamment l’introspection psychologique familiale. Cette belle rencontre entre la danse et l’univers cinématographique d’Ingmar Bergman est accompagnée de la projection en alternance de passages de certains de ses films, notamment Jeux d’été, Cris et Chuchotements et Fanny et Alexander.
Antonella Poli