Côté/Ashton/León-Lightfoot : l’ouverture de la saison du Ballet national du Canada

Chorégraphie : Guillaume Côté, Frederick Ashton, Sol Léon-Paul Lightfoot

Distribution : Ballet national du Canada

Hannah Galway and Christopher Gerty in Silent Screen. Photo by Karolina Kuras

Après les tournées à Londres et à Paris du mois d’octobre dernier, le Ballet national du Canada a ouvert sa nouvelle saison au Four Seasons Center for the Performing Arts de Toronto avec un programme éclectique.

A l’affiche : une entrée au répertoire, Rhapsody de Frederick Ashton, une première canadienne, Silent Screen de Sol León et Paul Lightfoot et le solo Body of Work, créé et interprété par l’étoile Guillaume Côté, qui fera ses adieux à la compagnie canadienne en juin 2025.

Body of Work

Guillaume Côté in Body of Work. Photo by Bruce Zinger

Cette pièce a démarré la soirée : le solo, qui avait été créé en 2014 pour la ballerine Anik Bissonnette, est un petit bijou. Dansé sur le deuxième mouvement Allegretto de la symphonie n.7 de Beethoven, il permet à Guillaume Côté de montrer l’ampleur de son expressivité et de sa perfection technique.

Pendant les cinq minutes de la pièce, Côté nous introduit dans son univers avec sa sensibilité de grand artiste : d’abord en nous évoquant le réveil de ses sensations physiques à travers un port de bras et des mouvements qui s’étalent des épaules jusqu’aux mains ; puis en exécutant quelques sauts, notamment des cabrioles, exemples de sa maîtrise de la technique classique, pour conclure en montrant ses capacités expressives, accompagnées par le crescendo de la musique de Beethoven. Il s’agit d’un moment où l’étoile valorise tout le travail accompli dans sa carrière pour le transmettre au public avec une extrême générosité et avec ses qualités reconnues à niveau international tout au long de sa carrière, qui ne s’arrêtera pas là.  En tant que chorégraphe, beaucoup de projets l’attendent encore et il est en train de préparer le spectacle de ses adieux, qui se tiendront le 5 juin 2025.

Guillaume Côté in Body of Work. Photo by Bruce Zinger

Rhapsody

Rhapsody représente l’exaltation du classicisme dans la danse et montre le talent du chorégraphe Frederick Ashton, capable d’enchaîner avec brio des séquences dansées riches de dynamisme. Le spectateur n’a jamais un moment de répit car la structure chorégraphique est conçue de manière à attirer toujours l’attention, qu’il s’agisse des parties dansées par le Corps de Ballet ou des variations des interprètes principaux. L’ouverture est réservée au danseur principal, qui peut mettre en valeur les aspects les plus virtuoses de la danse grâce à de nombreux sauts et pirouettes.

Le Corps de Ballet suit avec élégance ; les ports de bras des danseurs évoquent le style balanchinien. La figure féminine n’apparaît qu’à la moitié du ballet et donne de l’allure à la scène, par sa grâce et ses mouvements raffinés.  Le moment central de la chorégraphie est constitué d’un pas de deux harmonieux et expressif, entre les interprètes principaux qui touchent le public. Dans les deux soirées auxquelles nous avons assisté, les couples principaux étaient formés par Tirion Law et Siphesihle November (pour la première soirée) et par Koto Ishihara et David Preciado, ces derniers semblant être plus en syntonie et avoir dansé avec plus de sensibilité, malgré la rigueur technique exigée dans certains passages.

Silent Screen

Quant à Silent Screen, sa structure est complexe. Sol León et Paul Lightfoot s’inspirent de la cinématographie, surtout du cinéma muet dont ils s’emparent en utilisant, à certains moments du ballet, des mimiques faciales. On peut remarquer aussi la référence aux images cinématographiques grâce au fait que les danseurs bougent souvent sur place, sans effectuer de grands déplacements dans l’espace. Les chorégraphes utilisent une vidéo pour ouvrir leur pièce avec les deux danseurs principaux, seuls sur scène. Les images de la vidéo nous font entrer dans leur histoire et dans leur imaginaire.

Des mouvements de bras rapides et parfois saccadés caractérisent la gestuelle ; l’écriture chorégraphique est très carrée et requiert une grande précision. Malgré ces deux caractéristiques, la chorégraphie nous réserve des moments où les protagonistes sont capables de faire émerger leurs émotions, leurs inquiétudes, leurs tristesses. Même si le public peut être amené à chercher un fil conducteur ou une trame narrative, la beauté singulière de la pièce vient de l’intensité de chaque tableau et de l’interprétation des danseurs, qui nous transportent avec leur imaginaire dans des univers intérieurs différents, dans leurs désirs inconscients ou bien encore nous font ressentir leurs blessures.

Christopher Gerty and Hannah Galway in Silent Screen. Photo by Bruce Zinger

Pour cela, Hannah Galway, Christopher Gerty ou bien Ben Rudisin sont magistraux ! La pièce se clôt avec la même vidéo qu’au début, mais projetée à l’envers, peut être pour marquer l’opposition entre imaginaire et réel ou bien reconstituer une certaine sérénité perturbée, que l’on ressent tout au long du ballet. 

Jusqu’au 16 novembre 2024.

Toronto, Four Seasons Center for the Performing Arts, 9-10 novembre 2024

Antonella Poli

Sur le début des adieux de Guillaume Côté à écouter cette interview. (Radio Canada, Y a pas deux matins pareils, 13 novembre 2024)

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