CCN – Ballet de Lorraine
Chorégraphie : Twyla Tarp, Rachid Ouramdane
Distribution : CCN - Ballet de Lorraine
Musiques : Philip Glass, Peter Rehberg, Jean-Baptiste Julien
Le festival Le Temps d’Aimer à Biarritz a accueilli à la Gare du Midi le CCN-Ballet de Lorraine pour le spectacle de clôture de la manifestation. Il s’agit d’un choix qui garantit l’équilibre et la présence des compagnies françaises institutionnelles à la manifestation. Le CCN de Grenoble dirigé par Rachid Ouramdane avait ouvert les danses vendredi 8 septembre, le CCN – Ballet de Lorraine a clos cette XXVIIème édition. Cette relation apparait d’autant plus étroite si l’on considère que la troisième pièce au programme de cette soirée finale a été Murmuration, une création de juin dernier de Rachid Ouramdane qui, avec Tenir le Temps, avait ouvert le Temps d’Aimer.
La première partie du spectacle a été consacré à Twyla Tharp, représentant de la modern dance américaine, avec The Fugue et une des pièces les plus représentatives de son répertoire, In the Upper Room.
La chorégraphe américaine créa The Fugue en 1970 et ce fut le résultat d’un travail d’expérimentation qui demandait un fort sens rythmique aux danseurs. La version proposée par le Ballet de Lorraine voit trois danseuses en scène alors que la chorégraphe américaine avait créé ce ballet seulement pour des danseurs, une vraie nouveauté pour l’époque.
Les interprètes produisent le rythme et les sons seulement avec les mouvements de leurs pieds, seule musique présente. En réalité, l’idée subjacente à cette pièce était celle de reproduire en danse la structure rythmique d’une fugue. Twyla Tarp s’inspire en particulier de l’Offrande musicale de Johan Sébastien Bach et adopte un thème décliné en vingt variations. The Fugue reste la première œuvre transmise par la chorégraphe à une compagnie et un symbole de la recherche d’avant-garde des années soixante-dix.
In the Upper Room est un ballet crée par Twyla Tharp en 1986 qui reste encore aujourd’hui époustouflant d’énergie et de vitalité. La musique de Philip Glass, à la fois obsédante et répétitive, accompagne les danseurs dans leurs évolutions : les duos et les trios se succèdent sans fin. On est capturé par ce tourbillon de mouvements fluides et énergiques, qui ne font parfois guère apercevoir les changements sur scène des interprètes, habillés en gris et rouge. Tout commence avec la parution de trois danseuses, un slow motion presque, dansé dans le brouillard d’une autre galaxie, d’un monde lunaire.
Twyla Tarp mélange dans cette pièce différentes techniques : la classique, la jazz, la contemporaine, faisant preuve d’une grande originalité artistique. La musique fait voyager mentalement le public, ses sonorités inspirent la légèreté, la joie, le flux et le rythme de la vie. Les danseurs sautent et tournent à n’en plus finir, s’envolent, ne s’arrêtent jamais, dans une énergie et une joie de danser absolue. Le public retient son souffle et absorbe toute cette énergie incontrôlable et puissante.
Le Ballet de Lorraine semble avoir appris le lexique de la chorégraphe américaine en termes de fluidité et d’interprétation mais il doit s’améliorer dans les passages les plus techniques pour atteindre une plus grande précision.
Quant à la troisième pièce du programme, Murmuration, elle s’inscrit dans la direction de la recherche chorégraphique de Rachid Ouramdane. Cette fois, le chorégraphe s’inspire du phénomène scientifique naturel, connu justement sous le nom de « murmuration », qui décrit la capacité de certains animaux, notamment des oiseaux, des poissons et des insectes de se comporter ensemble comme s’ils n’étaient qu’une seule entité. A partir de ce concept, le chorégraphe ne démenti pas son style toujours orienté vers une écriture très précise qui révèle une composition chorégraphique basée sur l’interaction entre les danseurs. Le choix monochrome de la couleur rouge pour les costumes permet au regard d’échapper, de manière allusive, à de possibles images pour être plutôt englobé et attiré par la dynamique de la pièce. L’élément pondérable que l’on retient de Murmuration est la capacité de Rachid Ouramdane d’utiliser la vitesse comme facteur constituant de sa propre chorégraphie. Malgré les apparences qui semblent révéler un style particulièrement attentif aux formes géométriques, l’attention est en fait portée sur les aspects cinétiques et sur la création de dynamiques et d’une certaine entropie à l’intérieur du groupe des danseurs. Murmuration, comme d’autres œuvres de Rachid Ouramdane, devient métaphore et porteuse d’un message social pour la construction de formes de cohabitation pacifiques.