Casse-noisette-Théâtre alla Scala de Milan

Chorégraphie : Rudolf Noureev

Distribution : Camilla Cerulli, Navrin Turnbull et le Corps de Ballet du Théâtre alla Scala de Milan

Musiques : Tchaikovski

Camilla Cerulli et Navrin-Turnbull-ph.Brescia e Amisano

Le ballet du Théâtre alla Scala de Milan a ouvert sa nouvelle saison 2024/2025 avec Casse-Noisette de Rudolf Noureev.

Le Ballet

L’histoire de Casse-Noisette est tirée du conte Der Nussknacker und der MauseKonig (Casse-Noisette et l’histoire des souris) écrit en 1816 par Theodor Amadeus Hoffmann et publié en 1819 dans le recueil Les Frères de Saint-Sérapion.

Mais pour la conception de l’argument du ballet, l’inspiration n’a pas été puisée dans cette version originale mais dans celle, un peu plus simple et agréable, d’Alexandre Dumas, qui pouvait offrir des tonalités moins obscures que celles du roman d’Hoffmann.

Casse-noisette nous suggère un saut dans nos âmes et nos histoires personnelles, surtout dans notre dimension la plus enfantine, un conte qui, par sa nature même, fait aussi ressurgir les fantômes de notre enfance. Bien qu’il apparaisse à une première lecture comme un simple conte de fées, les thèmes et les interprétations auxquels il se prête sont nombreux ; c’est pourquoi, à partir de la chorégraphie originale de Marius Petipa (même si l’empreinte de Lev Ivanov, l’autre maître chorégraphe du Théâtre Marinsky de l’époque, émerge de manière prépondérante), plusieurs chorégraphes, parmi les plus célèbres, ont mis en scène leur Casse-Noisette. Il s’agit notamment de Maurice Béjart, Roland Petit, Jean-Christophe Maillot et Thierry Malandain.

La structure de l’histoire est simple mais se prête à de nombreuses références symboliques, exploitées beaucoup par Noureev. Clara, l’enfant protagoniste, reçoit parmi ses cadeaux un casse-noisette en forme de soldat, un objet à la forme quelque peu grotesque vers lequel elle commence à éprouver une sorte de transport. À la tombée de la nuit, elle rêve que son casse-noisette est menacé par une foule de rats et elle court à son secours ; soudain, il devient Prince, et tous deux se retrouvent à vivre leur rêve d’amour. Ainsi, comme l’enfant qu’elle était au premier acte, Clara subit et vit le transport de la passion amoureuse.

À l’aube, tout s’efface et la protagoniste se retrouve seule, avec son casse-noisette dans les mains. Grâce également à cette structure narrative, il n’a pas été difficile pour Noureev, si enclin dans ses reprises à dépasser les dimensions typiquement plus enfantines et féeriques, de transformer le sujet du ballet en une réflexion sur les différents aspects de la dimension de l’être humain. En effet, comment ne pas saisir dans l’histoire du personnage de Clara le sentiment de devenir adulte, les peurs qui peuvent surgir face à la découverte de la sexualité, l’alternance du bien et du mal dans la lutte des souris.

L’interprétation

Le couple principal de la représentation matinale du 5 janvier 2025 était formé par deux jeunes solistes, Camilla Cerulli et Navrin Turnbull, qui dansaient pour la première fois ensemble ce ballet. La fraîcheur de leur jeunesse incarnait bien l’esprit des deux protagonistes au centre de l’histoire. Néanmoins, Camilla Cerulli nous a paru parfois hésitante sur le plan expressif. En particulier, nous pouvons nous référer au pas de deux du premier acte, caractérisé par la descente en chassées des deux jeunes. Navrin Turnbull, aux belles lignes classiques, transportait sa partenaire ; l’élan du danseur faisait ressentir l’importance de ce moment symbolique pour la jeune Clara.

Camilla Cerulli et Navrin Turnbull-ph.Brescia e Amisano

La variation du Prince qui précède et qui suit le moment féerique de la Valse des flocons de neige a été bien exécutée par Navrin Turnbull, très à l’aise avec la technique classique.

La complicité pas tout à fait parfaite entre les deux partenaires est visible aussi dans le deuxième pas de deux qui ouvre le deuxième acte et dans celui, plus royal, qui précède la fin du ballet. Malgré quelques instants d’hésitation, les deux jeunes danseurs sont auteurs d’une bonne performance. Ils mériteraient d’être suivis pour valoriser leurs qualités et améliorer leur maturité artistique.

Nvrin Turnbull-ph.Brescia e Amisano

Le Corps de ballet confirme toute sa valeur, comme nous l’avions remarqué dans d’autres spectacles. Grâce à sa synchronicité et son harmonie, il rend toute la beauté chorégraphique des passages de la Valse des flocons de neige et de la Valse des fleurs.

Entre rêve et atmosphère féerique, la dimension onirique de ce ballet s’ouvre pour dévoiler les aspects les plus intimes et inconscients que, grâce à notre imaginaire, l’on peut repérer tout au long du ballet

Nous pouvons citer Maurice Béjart qui, à l’occasion de la présentation en 1998 de son Casse-Noisette, rappelait une phrase de sa mère : « observer le cerneau d’une noix, c’est comme être devant le cerveau humain ». Cela peut nous permettre de redécouvrir à chaque fois et garder vivants encore aujourd’hui la valeur et l’esprit d’un ballet qui, d’un conte de fées qu’il semble être, peut nous conduire, grâce à son symbole Casse-Noisette, dans les replis les plus cachés de notre esprit.

Milan, Teatro alla Scala, 5 janvier 2025

Antonella Poli

 

 

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