Mahler 10-Petite Mort-Boléro

Chorégraphie : Aszure Barton, Jiry Kylian, Maurice Béjart

Distribution : Les premiers danseurs et le Corps de Ballet du Théâtre La Scala de Milan

Musiques : Mahler, Mozart, Ravel

Mahler 10, chorégraphie Aszur Barton-ph.Brescia Amisano

Trois grands compositeurs musicaux inspirent les chorégraphies présentées dans ce nouveau programme du Théâtre La Scala de Milan jusqu’au 7 Avril : Mahler, Mozart et Ravel.

La chorégraphe canadienne Aszure Barton, qui a déjà collaboré dans le passé avec de prestigieuses compagnies de danse notamment l’Alvin Ailey American Dance Theatre, l’English National Ballet, l’American Ballet Theatre, le Nederlands Dans Theater, le National Ballet of Canada, la Martha Graham Dance Company et Mikhail Baryshnikov, signe sa première création pour la compagnie de ballet milanaise, Mahler 10, inspirée de l’Adagio de la Dixième Symphonie du musicien autrichien.

Deux sont les interprètes principaux (les premiers danseurs Virna Toppi et Antonino Sutera) entourés par le Corps de Ballet. Tous ensemble forment un univers, un collectif humain à la recherche d’harmonie. Le sens du langage abstrait de la chorégraphie acquiert toute sa signification seulement si l’on regarde écoutant attentivement la musique. En fait, on est touché par la forte symbiose entre la spiritualité que l’Adagio de la Symphonie n.10 dégage et le sentiment suscité par le ballet entier.

Il n’y a pas de variations techniques particulières, la chorégraphie étant basée sur une gestuelle fluide et expressive, qui alterne des mouvements linéaires et allongés à des pauses émotionnellement riches.

La création d’une humanité libre où chaque individu a sa place dans le respect réciproque peut être une clef de lecture de ce ballet. Aszure Barton est convaincue de son propos : « La musique nourrit mon imagination…c’est toutefois la collaboration avec les danseurs qui en est la force motrice qui insuffle la vie dans chaque création…nous perdons tellement de temps à chercher des réponses dans cette vie où, en fait, il n’y en a aucune…et ainsi, alors que Mahler 10 est guidé par la Dixième Symphonie et par ma collaboration avec l’équipe créative et les danseurs, son sens dépend fondamentalement de toi, spectateur. »

Petite Mort de Jiri Kylian est un des ballets les plus réussi du chorégraphe tchèque caractérisé par une harmonie et une élégance parfaite et il maquait des scènes du Théâtre La Scala depuis dix ans. Les danseurs ne manquent pas au rendez-vous.

L’écriture chorégraphique est riche de significations en se prêtant à multiples interprétation. A partir du début, où six danseurs entrent sur scène en tenant une épée, un des symboles phalliques les plus connus.

En deuxième lieu, Petite Mort est un ballet remarquable de par sa musicalité. En fait il est le résultat d’un travail méticuleux sur les corps des danseurs et sur la musique de Mozart. Chaque note de l’Andante du concerto n.21 pour piano et orchestre et de l’Adagio n.23 du concerto pour piano et orchestre de Mozart se matérialise à travers les mouvements des danseurs. On a l’impression que le son, « sine materia par excellence » se transforme en images dansées.

Le titre Petite Mort, qui en français signifie aussi orgasme, ouvre le champ pour saisir toute la sensualité présente dans ce ballet. Malgré la valeur symbolique sexuel-sensuel présente dans les pas de deux, ceux-ci restent extrêmement délicats. Les corps des danseurs sont presque des créatures spirituelles dans leurs simples effleurements. Elle se touchent sans jamais entrer vraiment en contact, un grand sens de légèreté les domine. En même temps, la chorégraphie acquiert aussi des qualités aériennes grâce aux différents lifts qui se succèdent. Un des moments plus forts de l’entière pièce on le retrouve à la fin de la première partie du ballet : un acte d’amour rendu en manière si simple et intense où contrairement à l’habitude c’est interprète masculin qui s’abandonne complétement en lassant aller sa tête en arrière.

Vittoria Valerio avec Matteo Gavazzi, Chiara Fiandra et Eugenio Lepera, Francesca Podini et Nicola del Freo, Nicoletta Manni et Mick Zeni, Martina Arduino et Christian Fagetti, Alessandra Vassallo et Marco Agostino ont été les interprètes principaux de Petite Mort, une très belle performance, bien que pour certains d’entre d’eux il s’agissait d’une prise de rôle.

 Le Boléro de Béjart clôture ce programme.

En 1928, sur la demande d’Ida Rubinstein, célèbre danseuse et actrice russe, Ravel composa un boléro pour orchestre. C’est une musique d’un mouvement très modéré et constamment uniforme, tant par la mélodie que par l’harmonie et le rythme, ce dernier marqué sans cesse par le tambour. Le seul élément de diversité y est apporté par le crescendo orchestral.

Maurice Béjart précisa sa conception de l’œuvre de Ravel : « Musique trop connue et pourtant toujours nouvelle grâce à sa simplicité. Une mélodie – d’origine orientale et non espagnole – s’enroule inlassablement sur elle-même, va en augmentant de volume et d’intensité, dévorant l’espace sonore jusqu’à s’engloutir elle-même. »

Le 10 janvier 1961, date de la première représentation du Boléro, Bruxelles assista à un choc. Une femme, Duska Sifnios, est au centre d’une table ronde et danse sur le rythme incessant et marqué de la musique de Ravel. Autour d’elle, quarante danseurs l’accompagnent dans son initiation sacrée. Le crescendo des mouvements évoque une sorte de sacrifice. La chorégraphie, apparemment simple, prend toute sa force de l’expressivité des ports de bras lancinants et vigoureux. La danseuse marque la mélodie et les danseurs le rythme.

Sur la valeur érotique de ce ballet, Maurice Béjart s’exprimait ainsi en 2005 : « J’ai fait de la danse pure. Il n’y a là rien de sexuel ».

En 1979, Maurice Béjart opère une transformation fondamentale de son Boléro : c’est un homme, Jorge Donn, qui danse sur la table ronde, en provoquant une modification totale du sens de ce ballet. Depuis, alternent sur la table ronde les meilleures danseuses et danseurs, rendant immortelle cette œuvre : Claude Bessy (1970), Maïa Plissetskaïa (1974), Jorge Donn (1979), Patrick Dupont (1986), Marie-Claude Pietragalla (1986), Sylvie Guillem (1998), Marie-Agnès Gillot (2005), Nicolas Le Riche (2006).

Roberto Bolle a abandonné son image de danseur apollinien pour danser sur la table ronde, un défi pour l’étoile milanaise qui est très appréciée dans des rôles plus romantiques ou dans des ballets aux lignes pures. La musique puissante de Ravel a su mettre en valeur son interprétation, inhabituelle pour le danseur et pour le public du Théâtre La Scala.

L’étoile milanaise sera encore protagoniste pour cinq représentations (les 10, 13, 16, 20 et 23 mars); Martina Arduino, (dans la matinée du 13 mars et le 27 mars), Virna Toppi (le 25 mars et 7 avril) Gioacchino Starace (le 5 avril);  et dans les soirées du 29 et 30 Mars, ce sera le tour des danseurs du Béjart Ballet Lausanne, Elisabet Ros et Julien Favreau.

Antonella Poli

 

Partager
Site internet créé par : Adveris