Ballets de Monte-Carlo : To the Point(e)
Chorégraphie : Christopher Wheeldom, Sharon Eyal et Jean-Christophe Maillot
Distribution : Les Ballets de Monte-Carlo
Pour ce nouveau programme printanier, les Ballets de Monte-Carlo dirigés par Jean-Christophe Maillot, présentent jusqu’au 28 avril au Grimaldi Forum un Triple Bill où dans deux pièces, l’utilisation des pointes exalte un langage classique repensé de manière plus contemporaine.
Le spectacle
La pièce du britannique Christopher Wheeldom, Within the golden hour (2008) ouvre la soirée.
Le chorégraphe, célèbre pour avoir créé des pièces narratives d’envergure notamment The Winter’s Tale ou Alice’s Adventures in Wonderland, se tourne vers un ballet abstrait. Sept couples principaux l’animent et trois d’entre d’eux constituent les pas de deux principaux.
Christopher Wheeldom emploie toute la technique classique en valorisant les placements sur scène : les positions croisées et effacées sont utilisées tout au long de la pièce. La danse est esthétiquement parfaite grâce aux interprètes des Ballets de Monte-Carlo dont nous reconnaissons leur perfection technique et leur élégance.
Le langage néoclassique du chorégraphe apparait surtout dans l’utilisation des mains, des bras et des bustes de manière plus libre et fluide comme on le remarque notamment dans un tableau où les danseurs exécutent des pliés à la seconde avec leurs bustes penchés latéralement, positions certainement encore plus contemporaines.
En revanche en ce qui concerne les pas dansés, le chorégraphe reste fidèle au langage classique réservant au public les arabesques, les attitudes ou des développés privilégiés dans les pas de deux et dans les parties d’ensemble, sans oublier un clin d’œil à des pas de bourrées dessus-dessous qui s’intercalent avec des piqués dans une séquence assurée par quatre danseuses.
C’est un ballet qui révèle l’harmonie des lignes des interprètes et la maîtrise de leur technique, éléments parfaitement accompagnés par la musique minimaliste du compositeur Ezio Bosso qui évoque des sonorités d’Antonio Vivaldi. L’Orchestre Philarmonique de Monte-Carlo dirigé par Garrett Keast donne le rythme. Les costumes de Jasper Conran, justaucorps et jupes au genou très fluides avec des insertions de plaquettes dorées, rappellent les tableaux de Gustav Klimt qui avaient inspiré Christopher Wheeldom pour le choix du titre de son œuvre.
La deuxième pièce, Autodance (2018) de l’israélienne Sharon Eyal, fait défiler les danseurs en demi-pointes tout au long de la pièce. Elle livre une vision formelle des corps qui apparaissent comme des silhouettes ou des mannequins animés. Seulement par moments la chorégraphie devient plus variée en impliquant une gestuelle plus riche surtout dans les duos principaux où les interprètes expriment la plasticité de leurs corps. Ce sont les passages les plus intenses et touchants de la pièce.
Le final de la soirée est consacré au ballet du directeur des Ballets de Monte-Carlo Jean-Christophe Maillot, Vers un pays sage (1995) créé pour rendre hommage à son père disparu tôt, Jean Maillot, peintre et professeur aux Beaux-Arts. La pièce est caractérisée par une extrême vivacité qui ne laisse pas respirer les danseurs. Ils transmettent leur joie à évoluer malgré la rapidité de leurs mouvements, toujours très précis et très expressifs.
Le tempérament passionné du chorégraphe apparait dans la densité qui émerge des mouvements en contraste avec le rythme soutenu de la musique de John Adams mais aussi dans les séquences puissantes et athlétiques réservées aux danseurs avec leurs grands sauts. La gestuelle devient aussi sensuelle dans certains pas de deux où les interprètes, unis par un sens d’intimité, prolongent sa durée, en s’opposant au tempo de la musique. Malgré la rigueur du langage chorégraphique, la pièce transporte le public par son énergie et la générosité du vocabulaire chorégraphique de Jean-Christophe Maillot, débordant de créativité et d’imagination.
Leur fougue s’apaise dans le final de la pièce avec l’apparition sur scène d’un tableau de Jean Maillot aux couleurs délicates pastels figurant un paysage de campagne. Ce sentiment de calme transmis par cette peinture exprime-t-il un vrai désir du chorégraphe ou bien voudrait-il créer seulement un contraste avec son esprit brillant ? Le public fera son choix.
On pourra revoir Vers un pays sage au Théâtre de la Ville à Paris en février 2025, un grand retour s’annonce à Paris pour les Ballets de Monte-Carlo !
Monaco, Grimaldi Forum, 24 Avril 2024
Antonella Poli