Ballet National du Canada
Chorégraphie : George Balanchine, Julia Adam, Robert Binet, Christopher Stowell
Distribution : Les étoiles, les premiers danseurs et le Corps de Ballet du Ballet National du Canada
Quatre pièces sont à l’affiche du le programme mixte présenté par le Ballet National du Canada dans ce mois de mars 2019. Entre tradition et modernité, les spectateurs peuvent voyager parmi différents styles chorégraphiques, musicaux et apprécier les singulières qualités d’interprétation des danseurs de la compagnie canadienne.
Apollo ouvre le programme. Ce ballet, créé par George Balanchine en 1928 dans le cadre des Ballets Russes, marqua la naissance du style aujourd’hui connu comme néo-classique. Equilibre, lignes classiques réélaborées, extrême musicalité sont les qualités intemporelles qui touchent le public encore aujourd’hui. S’il garde sa fraîcheur après presque un siècle, c’est grâce aux possibilités interprétatives qu’il offre. L’argument est très simple : Balanchine part de la naissance d’Apollo, dieux des arts, du chant, de la musique, de la beauté masculine qui instruit et fait monter au Parnasse trois muses : Calliope, muse de la poésie ; Polymnie, muse de la rhétorique et Terpsichore, muse de la danse. Le ballet procède par des variations des personnages, un pas d’action entre Apollo et les trois muses pour arriver au grand final où tous ensemble, ils se haussent jusqu’au Parnasse. Dans les performances du 1er, 2 et 3 Mars on a pu admirer les étoiles Guillaume Côté et Harrison James, et les premiers danseurs Félix Paquet (prise de rôle) et Brendan Saye dans le rôle d’Apollo. Ils ont livré quatre visions complètement différentes : Harrison James a maintenu une interprétation plus classique, en respectant de belles lignes, élégantes et en se montrant pédagogue envers les muses ; Brendan Saye est resté sur cette même ligne mais il a adopté une aptitude plus délicate.
Complètement à l’opposé les deux autres performances. Guillaume Côté a cassé les codes : énergique, patron de son rôle digne d’un dieu, il en a revisité les habituelles interprétations. Il domine ses trois muses ; il les observe avec son regard aigu pendant leurs variations et il suit la partition de Strawinsky en mettant en évidence tous ses accents. Et de fait Balanchine disait : « Voir la musique et écouter la danse ». Dans sa première variation il s’impose, chaque geste est récréé de manière plus contemporaine, avec une expressivité qui dépasse le langage classique. Félix Paquet est sur la même longueur d’onde ; pour être une prise de rôle, il a fait ses preuves et il a apporté son énergie sur scène avec une performance tout à fait personnelle et humaine. Parmi les muses, il est certain que Terpsichore (les étoiles Heather Ogden en alternance avec Svetlana Lunkina) jouait un rôle majeur, et c’est normal en étant la muse de la danse. Fluides dans leur mouvements, impeccables d’un point de vue technique dans leurs arabesques, elles dialoguent avec Apollo, accompagnées par Polymnia (Jeannine Haller et l’étoile Jillian Vanstone) et Calliope (Miyoko Koyasu et Calley Skalnik).
La deuxième pièce au programme est d’un tout autre registre, Night de la chorégraphe canadienne Julia Adam, une entrée au répertoire du Ballet National du Canada. Dans cette pièce, c’est la musique de Matthiew Pierce qui transporte les danseurs. Il s’agit d’un voyage onirique, où l’interprète principal (l’étoile Skylar Campbell en alternance avec Siphesile November) rêve….Le ballet est construit autour de rencontres, des femmes, des hommes qui créent de belles images esthétiques, grâce aussi à des costumes fluides aux couleurs de la nuit. La chorégraphie se développe à travers la succession de tableaux où des groupes de trois-quatre danseurs- danseuses entrent en dialogue avec le protagoniste. Il semble être perdu, il se laisse transporter, il cherche à la fois à s’enfuir et à se laisser bercer. Night s’impose par son dynamisme, par des très beaux portés et grands jetés de l’interprète principal.
The Sea Above, The Sky Below est encore très différent. Sur les notes riches de poésie du quatrième mouvement, Adagietto, de la Symphonie n.5 de Gustav Mahler, Robert Binet, chorégraphe associé du Ballet National du Canada explore de manière intime la relation entre une femme et deux hommes. Ce ballet raconte une histoire d’amour, avec toutes ses hésitations, ses incertitudes mais aussi d’abandon et de revanche. Dès le premier tableau, un homme et une femme manifestent leur éloignement ; lui immobile sur scène, assiste aux tourments intérieurs de sa partenaire (l’étoile Heather Ogden en alternance avec Hannah Fischer, première danseuse). Elle se laisse toucher par l’arrivée d’un deuxième homme avec qui elle cherche à trouver l’oubli. La fluidité des mouvements et l’interprétation intérieure des trois danseurs créent une atmosphère délicate où les sentiments sont rendues à travers des images silencieuses et riches de sens. Ce rapport à trois, argument du ballet, s’éteint doucement comme si tout revenait à l’état initial.
Le programme se conclut avec Paquita de Christopher Stowell, Directeur artistique associé du Ballet National du Canada, qui livre une réadaptation de la version de Marius Petipa de 1881). Elle résume l’histoire originale, en éliminant tous les aspects de pantomime et en mettant en évidence toute la virtuosité et la beauté de la technique de la danse classique. L’ambiance espagnole du XIX siècle, le rythme de la musique de Ludvig Minkus, et l’énergie que la pièce dégage en font un bijou. Le chorégraphe structure sa version surtout autour du Pas des trois et des Quatre Variations : attitudes, arabesques, grands jetés, pirouettes, fouettés, toutes les figures de la danse classique sont présentes. C’est un régal pour tous les passionnés de danse !
Dans les rôles de Paquita, les étoiles Heather Ogden et Jillian Vanstone ont été magistrales, la première donnant une interprétation plus incisive et moderne et la deuxième restant attachée au style très classique. Les grands sauts des étoiles Francesco Gabriele Frola et Harrison James dans le rôle Lucien d’Hervilly ont valorisé les qualités techniques des deux danseurs. Le Corps de ballet a contribué avec ses performances au succès de cette représentation.
Antonella Poli
Ce programme mixte sera repris le 20 et 21 Mars prochains au Four Seasons Center for the Performing Arts à Toronto avec les distributions suivantes :
Apollo
Guillaume Côté (20 Mars, 19h30); Evan McKie (21 Mars, 14h00);Francesco Gabriele Frola (21 Mars, 19h30)
Terpsichore
Heather Ogden (20 Mars, 19h30); Svetlana Lunkina (21 Mars, 14h00); Jurgita Dronina (21 Mars, 19h30)
Polyhymnia
Emma Hawes (20 Mars, 19h30); Jeannine Haller (21 Mars, 14h00);Jillian Vanstone (21 Mars, 19h30)
Calliope
Miyoko Koyasu (20, 21 Mars, 19h30); Calley Skalnik (21 Mars, 14h00)
Night
Skylar Campbell and Ben Rudisin (20 Mars, 19h30; 21 Mars,14h00)
The Sea Above, The Sky Below
Heather Ogden, Harrison James, Félix Paquet (20 Mars,19h30; 21 Mars,14h00)
Hannah Fischer, Brendan Saye, Christopher Gerty (21 Mars, 19h30)
Paquita
Heather Ogden and Harrison James (21 Mars, 19h30); Jurgita Dronina and Francesco Gabriele Frola (20 Mars, 19h30)
Emma Hawes and Christopher Gerty (21 Mars, 14h30)