Arche : la sensorialité du mouvement de Myriam Gourfink
Chorégraphie : Myriam Gourfink
Distribution : Deborah Lary et Véronique Weil
Musiques : Kasper T. Toeplitz

ph.Laurent Paillier
On connaît la sensibilité de Myriam Gourfink pour explorer le mouvement à travers la lenteur pour en faire ressortir ses plis les plus cachés. Dans Arche, pièce présentée lors du festival Les Inaccoutumés les 20 et 21 mars derniers à La Ménagerie de Verre (Paris), la chorégraphe enrichit la lenteur valorisant les propriétés sensorielles, en particulier, celles du toucher.
Avec les deux interprètes d’exception qui travaillent avec elle depuis une dizaine d’année, Deborah Lary et Véronique Weil, Myriam Gourfink nous présente ce travail en duo qui en réalité nous fait accéder à une vision unitaire d’« être corps » et « de faire corps ».
La pièce s’ouvre avec les deux danseuses, placées aux extrêmes de la diagonale qui trace la scène. Après une brève marche, elles se rencontrent, leurs regards se croisent et à partir de ce moment le mystère et l’invisible de leur danse sensitive et perceptive commencent à apparaître.
Elles se posent au sol où évoluent pendant toute la performance de manière synchrone avec des mouvements millimétrés qui se développent à partir du sentir réciproque de chaque partie du corps, animée par une tension qui le traverse jusqu’au bout des orteils. Les deux danseuses restent en contact permanent, par exemple avec un bras couplé à une jambe ou par l’intermédiaire de leurs têtes : elles créent ainsi des volumes, transforment l’espace qui les sépare en matière vivante. Les vibrations de la musique abstraite de Kasper T. Toeplitz font écho à celles qui animent les deux interprètes dans leurs évolutions, parfois acrobatiques. Leurs corps s’entremêlent en apesanteur et en douceur.
Leur sensorialité guide chaque changement de pose qui semble en même temps imperceptible et surprenant au spectateur envouté par la fluidité et la plasticité des corps. Le chiasme merleau-pontien qui met l’accent sur la valeur ontologique du corps dans sa relation touché-touchant trouve dans ce travail dansé une de ses représentations les plus importantes.
Paris, La Ménagérie de Verre, 20 mars 2025
Antonella Poli