Another look at memory
Chorégraphie : Thomas Lebrun
Distribution : Maxime Aubert, Raphaël Cottin, Anne-Emmanuelle Deroo et Anne-Sophie Lancelin
Musiques : Philip Glass
Comment des corps dansants peuvent-ils représenter leur mémoire et la rendre aux spectateurs à travers leurs mouvements? C’est une question à laquelle on peut trouver une réponse dans la dernière création de Thomas Lebrun, Another Look at Memory, écrite par quatre danseurs dont trois qui travaillent avec le chorégraphe, directeur du CCN de Tours, depuis au moins une dizaine d’années. Ce rapport étroit entre l’auteur et ses interprètes est à la base de la pièce.
Celle-ci révèle une écriture chorégraphique très riche et saisissante. Il est bien évident que l’on peut trouver des références claires à des chorégraphies plus anciennes, ce qui n’est pas étonnant puisqu’elles représentent le point du départ de cette création, mais cet aspect doit rester secondaire car il pourrait nous empêcher de saisir librement la beauté de la pièce d’aujourd’hui, qui est conçue minutieusement. En effet, on assiste à un crescendo « visuel ». La première partie qui voit sur scène les anciens danseurs Raphaël Cottin, Anne-Emmanuelle Deroo et Anne-Sophie Lancelin reste très géométrique de par sa structure et très précise, très carrée musicalement et exécutée avec une précision épatante sur la musique de Philip Glass, Another look at Harmony. Le clin d’œil au titre du ballet est clair. Le rapport entre les deux est très fort car d’une part la chorégraphie suit parfaitement le rythme musical, en arrivant à reproduire avec la variété de la gestuelle tous les chromatismes sonores et d’autre part elle semble en rajouter d’autres, grâce à l’intégration de contretemps dans chaque phrase dansée. Que ce soit un pas ou un port de tête, ils enrichissent la partition musicale comme de vraies nouvelles notes. Cela crée une perception différente de la musique qui reste répétitive malgré les cœurs qui en font partie.
Les danseurs ont la liberté de jouer, de s’éloigner, de se rapprocher tout en exprimant une forte unité comme s’ils constituaient un seul corps. Il y a juste deux petits moments marqués par des pauses au sol de deux danseurs où tout le flux d’énergie semble s’apaiser. La deuxième partie voit entrer en scène le jeune danseur Maxime Aubert, qui vient de terminer l’Ecole Supérieure de Danse Contemporaine du CNDC d’Angers. Il s’agit d’une belle découverte. Thomas Lebrun lui a fait confiance en lui donnant la possibilité de participer, malgré sa jeune expérience, à cette création. Le rythme devient plus soutenu, l’équilibre et les géométries de la première partie laissent la place à une cadence et à des sensations visuelles proches de l’esthétique de certains chorégraphes de la post-modern dance américaine, notamment Trisha Brown.
Il y a tellement de richesse dans le vocabulaire de cette pièce qu’il est impossible d’arriver à distinguer totalement ses éléments les plus importants. Un parti pris, peut-être, de Thomas Lebrun qui ne se sent pas d’être classé dans un style particulier. Et son parcours d’artiste le montre complètement en nous réservant toujours des surprises.
Another look at memory sera présenté lors de la soirée d’ouverture du Festival de danse de Cannes le 8 décembre prochain.