Yeled/Shoot me
Chorégraphie : Eyal Dadon, Diego Tortelli
Distribution : Fondazione della Danza Aterballetto
La compagnie italienne Fondazione della Danza Aterballetto a ouvert cette nouvelle édition du festival Le Temps d’aimer dirigé par Thierry Malandain.
La troupe, une des plus représentatives présentes en Italie, a présenté deux pièces, différentes par leurs propos, leurs styles et en conséquence dégageant dans le public des émotions diverses.
La première pièce du chorégraphe israélien Eyal Dadon, Yeled, mot hébreu qui signifie enfant, nous interroge sur la perte du sentiment de l’enfance, normalement un état de grâce, de rêve, d’innocence accompagnant cet âge.
« Un enfant est le dernier poète d’un monde qui s’entête à vouloir devenir grand » écrivait Jacques Brel, et cette pièce semble illustrer parfaitement ce propos.
La composition chorégraphique conçue pour seize danseurs procède par tableaux où alternent des moments d’ensemble à des duos ou à des soli. Dans la majorité des cas, ces derniers émergent après une danse de groupe de laquelle se détache un danseur. Le sentiment de partage est donc abandonné pour laisser la place à l’expression individuelle, au ressenti personnel. Il y a un contraste qui domine la pièce du début à la fin : alors que les interprètes habillés en bermuda, chaussettes et chemises colorés incarnent un groupe d’adolescents, les sentiments que leurs mouvements expriment ne sont pas tout à fait gais.
Si d’une part on peut croire observer une cour de récréation, d’autre part les scènes nous renvoient à des états d’âme inquiets, rebelles, parfois troublés. Cela est lié à une gestuelle très géométrique, parfois saccadée et rythmée.
Chaque tableau symbolise un moment particulier et un état émotionnel de ses interprètes. Il y a aussi un passage dansé très marquant qui montre une danseuse limitée dans ses déplacements par deux autres interprètes qui la bloquent, l’empêchant de bouger librement. L’apparition d’un joker dans le final semble vouloir alléger l’atmosphère et redonner l’impression de revivre l’enfance.
La deuxième pièce, Shoot me de Diego Tortelli, est d’un registre complètement différent. Le sens et l’interprétation de la musique dominent et inspirent un langage chorégraphique puissant. Sur des chansons du groupe Spiritualized, intercalées avec certains extraits des poèmes de Jim Morrison, les danseurs dégageant une forte énergie, chaque partie de leurs corps étant employée au maximum de sa force, guidée par leurs pulsions. L’impact du groupe sur le public fait ses effets. C’est une danse vigoureuse qui suit parfaitement le rock psychédélique de la musique, dans laquelle les interprètes se laissent entrainer sans pause.
Si dans Yeled les corps invitaient à la réflexion et devenaient un moyen pur d’exprimer un vécu qui nous a tous concerné, Shoot me montre toute la sensibilité et les effets que la musique peut susciter physiquement. Un programme complet dont on apprécie le niveau de la troupe italienne, rigoureuse dans le style et puissante dans l’exécution des mouvements.
Le Temps d’aimer continue jusqu’au 17 Septembre et ce début de la 33è édition promet une manifestation « festive, émouvante et inspirante » comme le souhaite Madame le maire de Biarritz, Maider Arosteguy, lors de son introduction de la soirée.
Biarritz, Gare du Midi, 8 Septembre 2023
Antonella Poli