Ba/rock
Chorégraphie : Jeroen Verbruggen
Distribution : Ballet du Grand Théâtre de Genève
Musiques : François Couperin, Jean-Philippe Rameau, Domenico Scarlatti
En 2014, la chorégraphie de Casse-Noisette par Jeroen Verbruggen, présentée au Grand Théâtre de Genève, fut unanimement saluée. Le directeur Philippe Cohen a fait de nouveau confiance au jeune chorégraphe en lui passant commande d’une nouvelle création Ba/rock, représentée du 21 octobre au 1er novembre 2016.
Le titre cache un jeu phonétique et exprime les intentions de l’auteur. Jeroen Verbruggen a judicieusement choisi des musiques baroques de François Couperin, Domenico Scarlatti et Jean-Philippe Rameau pour créer un spectacle contemporain, plein d’énergie, composé de deux ballets : Iris et Vena Amoris.
Le résultat est magistralement réussi : la rigueur du rythme et la richesse musicale des partitions se transforment en images qui conduisent le spectateur dans l’atmosphère d’un spectacle rock. Ce glissement s’opère d’une manière naturelle, sans rupture particulière.
Les deux ballets semblent se déroulent dans un monde au-delà des frontières terrestres, impression accentuée par les combinaisons noires des costumes d’Emmanuel Maria.
Iris est une œuvre sombre et mystérieuse, jouant sur les clairs-obscurs, en harmonie avec La Ténébreuse de François Couperin. L’intimité de cette pièce se révèle surtout à travers les duos construits de manière architecturale et mettant en avant les qualités des danseurs. Leurs bras et leurs jambes s’emboitent en cherchant avec précision chaque angle libre des corps. La modernité du langage chorégraphique nous interroge sur les sensations que des musiques anciennes peuvent encore dégager. Il n y a pas de barrières entre les siècles passés et ces œuvres musicales, bien que datées, nous parlent et arrivent à solliciter encore aujourd’hui l’imagination du chorégraphe, entraînant le spectateur à sa suite.
Vena amoris, deuxième ballet de la soirée, crée un choc visuel. Jeroen Verbruggen construit sa propre Symphonie imaginaire à l’image de celle de Jean-Philippe Rameau. Au début de la pièce, chaque groupe de danseurs symbolise un instrument musical et joue sa partition chorégraphique. C’est un vortex de mouvements parfaitement synchronisés avec chaque note. Au fur et à mesure, l’atmosphère devient plus sensuelle. On le ressent à travers l’exécution des pas de deux où les interprètes du Grand Ballet de Genève se révèlent saisissants. Cet aspect sensuel est encore plus marqué par une gestuelle animalesque du rapprochement des corps. À se demander si nous nous trouvons face à des fauves ou à des êtres humains. Mais l’étonnement ne s’arrête pas là. Soudain, les danseurs semblent exécuter à la fois une marche guerrière et lourde, en traînant leurs corps empotés. Au loin, le ballet reproduit une scène de Star Wars.
Tout se joue dans l’irréalité d’un univers fantastique de science-fiction avec des changements rapides de tableaux. Le final est apaisé et réserve au public une note de romantisme. Vena Amoris se conclut avec un baiser passionnel au milieu d’une scène nimbée d’un rouge intense.