Critiques

1968-2018

Chorégraphie : Petter Jacobsson, Thomas Caley, Merce Cunningham, Miguel Gutierrez

Distribution : CCN-Ballet de Lorraine

RainForest-ph.Laurent Philippe

Avec le premier spectacle de la saison, le Ballet de Lorraine a commencé à fêter les cinquante ans de la compagnie. Les deux directeurs, Petter Jacobsson et Thomas Caley, ont conçu un programme à la fois festif et témoin de l’esprit de leur travail à Nancy.

Pour ouvrir la soirée, ils ont créé avec une équipe de 35 amateurs et trois danseurs du ballet, Happening Birthday, spectacle composé de deux performances, l’une déambulatoire dans le hall de l’Opéra et l’autre directement sur le plateau.

Les jeunes amateurs accueillent les spectateurs en marchant à travers l’Opéra et en chantant des refrains joyeux dédiés à la danse. Sur le plateau les trois danseurs, Ines Depauw, Otlya Gony et Jean Baptiste Plumeau, s’adonnent à une performance qui évoque la Danse Serpentine de Loie Fuller, version cabaret ou boite de nuit, avec musique live.

Ce début pétillant s’arrête avec la rigueur de RainForest, pièce créée par Merce Cunningham en 1968 avec les décors d’Andy Warhol, constitués de son installation Silver Clouds, des ballons en papier argentés en forme d’oreillers remplis d’hélium qui permettent de circuler librement sur scène. Leur légèreté se combine aux mouvements calibrés des six danseurs en scène : Agnès Boulanger, Alexis Bourbeau, Pauline Colemard, Giuseppe D’Agostino, Elsa Raymond et Luc Verbitzky. Il s’agit d’une des pièces autobiographiques de Merce Cunningham, inspirée de ses souvenirs d’enfance, du territoire du nord-ouest et de la forêt tropicale de la Péninsule Olympique des Etats-Unis. Accompagnés par la musique électronique de David Tudor qui reproduit des chants d’oiseaux, les danseurs aux combinaisons couleur chair, à moitié créatures humaines et symboles vivants, constituent une micro société où chacun s’approprie son espace et essaie d’entreprendre des relations avec les autres. En même temps très esthétique et harmonieuse, cette pièce constitue une entrée au répertoire de la compagnie. Les danseurs s’approprient ses difficultés et rendent une belle interprétation.

Le spectacle qui clôt la soirée, Cela nous concerne tous,  est confié à Miguel Gutierrez, artiste performer newyorkais d’adoption, habituellement connu pour sa force provocatrice. Le choix de Petter Jacobsson et Thomas Caley de l’inviter à créer une pièce pour leur ballet a été dans une certaine mesure un double défi car Miguel Gutierrez n’avait jamais travaillé avec autant de danseurs (une vingtaine), de surcroit dans un théâtre traditionnel. La syntonie n’a pas tardé à arriver entre lui et les danseurs qui ont fait un très bon travail d’improvisation, magistralement orchestré par le chorégraphe. L’engagement de chacun, y compris celui des costumières, a été très important.  Effectivement les costumes jouent un rôle important pour toute la pièce. Il s’agit de morceaux de tissu aux couleurs vives, parfaitement combinés pour habiller tout le corps des danseurs. Cela permet de déshabiller leurs membres au fur et à mesure. Une vraie surprise pour les spectateurs !

Caractérisée par la représentation d’individualités différentes et en même temps un sens fort de l’unité, cette pièce se révèle plus que jamais passionnante car, malgré la nature abstraite des gestes, les danseurs les enrichissent avec leur sensibilité, les rendant très vivants et personnels. Le final les voit quitter la scène pour rejoindre les spectateurs dans l’orchestre et les loges de l’Opéra. « L’adieu » qu’ils chantent les unit au public qui apprécie et s’amuse lorsque les danseurs ont la possibilité de s’exprimer autrement. Miguel Gutierrez est satisfait du résultat, comme d’ailleurs toute la troupe du CCN-Ballet de Lorraine. Cette première soirée, qui a ouvert la célébration des cinquante ans, montre tout à fait l’orientation de la compagnie : d’une part impliquée dans des pièces plus classiques et d’autre part ouverte à de nouvelles formes chorégraphiques, contemporaines et performatives.

Production CCN – Ballet de Lorraine
1968 – 2018 est inscrit dans le cadre de la BIENNALE DE LA DANSE GRAND EST – EXP.ÉDITION 2017

 

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