Le Serment de l’Opéra

ph.Frédéric Stucin/ONP

Qu’est-ce que peut l’art, et plus particulièrement la danse, face aux maladies mentales ?

Les frontières s’ouvrent de plus en plus, reconnaissant l’importance de faire entrer les activités culturelles dans la psychiatrie et ses méthodes de soin.

Dans ce cadre, le Docteur Alberto Velasco, psychiatre et psychanalyste, chef du service S4 Pôle 5/6/7 GHU Paris, Psychiatrie et neurosciences et ses équipes développent depuis huit ans des actions culturelles en vue de favoriser la réinsertion et l’intégration psycho-sociales grâce à l’expérience artistique : le musée Zadkine , le musée Bourdelle et le musée Victor Hugo ont déjà ouvert leurs portes pour accueillir des séances basées sur l’interaction entre patients, personnel soignant et employés de ces lieux culturels.

Il y a trois ans, sur l’initiative du Docteur Alberto Velasco, l’Académie de l’Opéra de Paris sous la direction de Myriam Mazouzi, très à l’écoute de la proposition, accepte l’organisation d’ateliers de danse animés par les danseurs de l’institution parisienne, Antonin Monié et Takeru Coste.

Le projet, intitulé Le Serment de l’Opéra, montre tout l’engagement porté par l’Opéra de Paris. Ce programme introduit les arts lyriques et chorégraphiques dans le quotidien de l’hôpital. En partenariat avec l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, les Quinze-Vingt Hôpital national de la vision et le groupe hospitalier Sainte-Anne, l’Académie met en place des parcours de découverte de l’Opéra adaptés aux pathologies des patients.

Comme le Docteur Velasco nous l’a expliqué, « l’importance du travail sur le corps est nécessaire même en cas de maladies mentales car les deux univers s’influencent réciproquement, la maladie touche l’esprit et le corps provoquant des blocages entre eux ». (La psychosomatique constitue une source de réflexion).

 Et nous pouvons ajouter que cela ne peut que se réaliser de la meilleure façon grâce à la danse, art corporel par excellence.

En particulier, sur les ateliers de danse, le Docteur Velasco explique que « les participants sont atteints à différents stades de la maladie, la plupart d’entre eux vivant chez eux et ayant besoin de se rendre à l’hôpital juste le temps d’effectuer les soins. Pendant ces ateliers, les patients, animés d’une grande curiosité et d’enthousiasme, sont accompagnés par le personnel soignant, présence qui les rassure dans un contexte qui pourrait les intimider. Danser dans les studios prestigieux de l’Opéra Bastille et dans un cadre exceptionnel est sans doute une expérience unique ».

ph.Frédéric Stucin/ONP

En discutant avec Takeru Coste, nous ressentons toute son émotion et sa sensibilité dans l’approche de ces ateliers. Un voile de mystère reste, signe de l’atmosphère tout à fait particulière qui se dégage lors des ateliers. Le Docteur Velasco, qui y participe aussi, a témoigné de quelques étapes : « Les séances durent deux heures avec une pause de dix minutes. Pour commencer, nous pouvons nous disposer en cercle ou être éparpillés, il nous est proposé de marcher ou de travailler sur la respiration et les gestes, au début simples, deviennent de plus en plus amples et complexes. L’harmonie entre les danseurs professionnels et tous les autres participants anime toutes les séances : le rapport entre nous n’est pas hiérarchique, l’intégration est complète et on constate un sentiment de liberté dans le corps des patients ».

ph.Frédéric Stucin/ONP

L’œil du photographe Frédéric Stucin a capté avec sa caméra le processus d’intégration des patients dans le lieu prestigieux de l’Opéra Garnier et leur travail en studio.

Son regard artistique a permis de réaliser l’exposition Le serment de l’Opéra qui a lieu du 17 mai au 21 septembre 2024 au Carré de Boudouin, lieu de développement artistique et culturel géré par la Mairie du XXè arrondissement : ses grands espaces (surface totale de 410 m2 avec un auditorium de 93 places dont 3 PMR) permettent d’accueillir conférences et performances, en créant un pôle dédié à la création contemporaine locale, nationale et internationale.

L’exposition est divisée en deux parties : la première constituée par des portraits où les patients côtoient les danseurs dans différents endroits de l’Opéra Garnier et la deuxième où l’on retrouve des photos témoignant de quelques moments lors des ateliers de danse.

Le Serment de l’Opéra constitue donc deux expériences artistiques parallèles : celle réalisée par les deux danseurs de l’Opéra Takeru Coste et Antonin Monié avec leur groupe de travail et celle de Frédéric Stucin, qui pose son regard personnel sur les ateliers pour restituer une œuvre authentique.

Toutes les deux contribuent à sensibiliser le public et les institutions afin de développer ces initiatives où l’art devient un moyen de soin utile à faire renaître le sens de citoyenneté chez les malades psychiatriques et à éliminer les barrières sociales envers eux.

Antonella Poli

 

 

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