Annonciation/Un Trait d’Union/Larmes Blanches – Angelin Preljocaj

Chorégraphie : Angelin Preljocaj

Distribution : Clara Freschel, Florette Jager, Antoine Dubois, Valen Rivat-Fournier

Larmes Blanches-ph.Didier Philipspart

Du 23 au 31 janvier prochains, le Ballet Preljocaj – CCN Aix – en – Provence présente à Chaillot – Théâtre national de la Danse une trilogie composée des ballets Annonciation (1995), Un Trait d’Union (1989) et Larmes Blanches (1985). Ces pièces témoignent de la richesse artistique du style Preljocaj et dégagent encore toute leur fraîcheur malgré les nombreuses années qui nous séparent de leur création.

Annonciation (1995) est un superbe pas de deux dédié au moment où l’archange Gabriel avertit la Vierge Marie de sa prochaine maternité. Contrairement à la vision spirituelle que l’iconographie classique consacre à ce moment, ce duo met l’accent sur son aspect charnel et sensuel. Marie apparait enfermée dans sa solitude, la partition sonore abstraite, Crystal Music de Stéphane Roy, laissant présager son destin. Elle est stupéfiée par l’arrivée fulgurante du puissant archange, magistralement interprété par Clara Freschel qui s’impose face à Marie (Florette Jager), troublant sa tranquillité, l’impressionnant par sa présence et ses gestes symboliques : élevant son index pour signifier la volonté divine, la touchant avec ses mains particulièrement au niveau du ventre, suggérant l’annulation de la distance entre l’humain et le divin, l’esprit et la chair. 

Annonciation-ph.Laurent Philippe

Cette rencontre provoque un choc sur le plan visuel et esthétique !  Marie et Gabriel dansent ensemble sur la même partition chorégraphique, semblant partager les mêmes interrogations, les mêmes inquiétudes. La musique, le Magnificat de Vivaldi, consacre ce moment de symbiose sacrée qui annule la séparation entre le divin et le terrestre. Si l’art figuratif a essayé à travers des siècles de nous rendre en images un des mystères clés de la foi catholique, cette pièce s’inscrit dans la tradition et la dépasse : plus que jamais, le langage du corps est capable de fusionner l’indicible, l’intangible, avec la nature humaine. Cette capacité qu’a Angelin Preljocaj d’humaniser des thèmes religieux liés au rapport entre le mystique et la sensualité, nous la retrouvons aussi dans d’autres ballets, notamment dans Hallali Romée (1987) dédié à Jeanne d’Arc, Liqueurs de chair (1988) et MC 14/22 (2001) inspiré du chapitre 14, vers 22 de l’évangile de Saint Marc.

Un Trait d’Union est un duo dansé par Antoine Dubois et Valen Rivat-Fournier. En réalité, la pièce, à travers ses deux interprètes, pourrait représenter le récit et le questionnement intérieur que chaque individu peut ouvrir envers lui-même. Il y a dualité entre le désir de la quête de l’« autre » et l’envie de solitude. La chorégraphie révèle cette idée dès son ouverture, avec un solo intime où l’interprète exprime son inquiétude en instaurant un dialogue symbolique avec un fauteuil qui devient le lieu où il peut se défouler. L’apparition du deuxième danseur ne vient pas calmer l’atmosphère. Affrontements, corps à corps, gestes de lutte interpellent le spectateur qui reste attendri par les émotions que le duo provoque.

Larmes blanches est un exercice de style chorégraphique. La structure géométrique des musiques de Jean-Sébastien Bach, Claude Balbastre et Henry Purcell se traduit dans la précision rigoureuse des gestes et des placements sur scène des quatre danseurs.

Les deux duos, accompagnés par les sonorités baroques des musiques, nous plongent aussi dans les XVIIème et XVIIIème siècles, dominés par l’apparence des belles manières.

Paris, Chaillot – Théâtre national de la Danse, 23 Janvier 2025

Antonella Poli

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