NDT I : Crystal Pite et Christos Papadopoulos
Le Nederlands Danse Theater I, une des compagnies européennes les plus appréciées, revient au Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt avec un double programme qui affiche Solo Echo de Crystal Pite et la création de Christos Papadopoulos Ties Unseen.
La troupe néerlandaise, qui a reçu en juin dernier le Prix du Syndicat professionnel de la Critique Théâtre, Musique et Danse, a confirmé la valeur de ses danseurs, doués de qualités dynamiques d’exception.
Solo Echo
Les danseurs du NDT I transmettent le lyrisme et la mélancolie dégagés par Solo Echo, pièce où Crystal Pite privilégie plutôt une succession de duos contrairement à d’autres pièces, notamment The Season’s Canon, Assembly Hall ou Angel’s Atlas, construites sur la force du collectif.
Sur une scène sombre et avec un décor épuré, les duos de Solo Echo montrent une danse très fluide qui permet un dialogue étroit et un échange d’énergies entre les danseurs. La beauté de la pièce naît d’une gestuelle qui se développe entièrement à partir des mouvements des interprètes, sans mettre aucun accent sur une partie précise de leurs corps qui se façonnent les uns au contact des autres. Ils s’entraînent et s’entrelacent grâce à des transferts de poids qui suggèrent l’enchaînement des passages chorégraphiques. La musique de Brahms accentue le lyrisme de leurs gestes, caressés parfois par des notes de romantisme.
Nous retrouvons la prédilection qu’a Crystal Pite pour la valorisation des scènes d’ensemble dans la deuxième partie de la pièce. Les interprètes des duos apparaissent ensemble et synchronisés, donnant le sentiment de vouloir partager leurs expériences vécues dans la première partie.
Le final est imprégné de tristesse : un homme se sépare d’une femme et s’allonge au sol alors que des flocons de neige tombent du plafond.
Ties Unseen
Quant à la création Ties Unseen de Christos Papadopoulos, c’est une vraie réussite !
Le chorégraphe grec développe les thèmes explorés dans Mycelium, sa précédente création pour le Ballet de l’Opéra de Lyon (septembre 2023), d’une part en amplifiant sa conception d’une danse minimaliste et d’autre part en mettant l’accent sur l’entropie existant entre les êtres. Le groupe des danseurs du NDT I se présente compact sur scène ; leurs mouvements sont presque imperceptibles au point qu’il est difficile de les différencier. Ce que le public perçoit est une mystérieuse force d’attraction qui relie tous les danseurs ; ceux-ci forment une seule entité, capable de se transformer en semblant suivre les règles dynamiques des fractales.
Pendant les trente-cinq minutes de la pièce, on ne peut que rester hypnotisé et séduit par la synchronicité et la précision des danseurs, qui ne laissent transparaître aucun moment de faiblesse ou de dissonance qui pourrait perturber l’unité et la densité dégagées par leur danse. En demi pointe ou avec les pieds au sol, avec des mouvements minimes de la tête et des bras, ils traversent le plateau en suivant de multiples directions, horizontales, verticales ou en diagonale.
Le rythme très carré de la musique de Joseph Venger, avec ses sonorités uniformes, favorise la perception de la danse de Christos Papadopoulos à la fois discontinue de par sa gestuelle saccadée et si harmonieuse de par son esthétique.
Avec ce programme, la compagnie néerlandaise NDT I se confirme comme une des meilleures du panorama corégraphique éuropéen.
Paris, Théâtre de la Ville – Sarah Bernhardt, 23 octobre 2024
Antonella Poli