Un endroit partout
Chorégraphie : Nach
Un endroit partout est la nouvelle création de Nach, figure féminine de la danse contemporaine qui s’est affirmée après sa première pièce collective, Elles disent.
Elle se présente à la Biennale de la Danse de Lyon pour se livrer dans une conférence dansée. Le récit incisif qui reparcourt son histoire personnelle se croise avec les différentes étapes de sa carrière d’artiste chorégraphique. Ses habiletés corporelles se dévoilent à travers une danse qui incarne les tensions, les aspirations et les réflexions qui ont marqué sa vie personnelle. Certes, le krump, ce style de danse urbaine né dans les quartiers périphériques de New York, qu’elle s’est appropriée au début de sa carrière, lui a donné les éléments pour forger son propre langage chorégraphique. Elle a appris ses codes et surtout le krump l’a aidée à développer sa force mentale et la puissance de son corps.
Dans Un endroit partout, Nach met l’accent sur ses origines, quand adolescente elle vivait dans la Cité des étoiles à Bobigny. Les lignes architecturales des grands immeubles lui suggéraient une symbiose avec les lignes de son corps. A ce sujet, d’une part elle fait référence au peintre Wassily Kandinsky et d’autre part à William Forsythe.
Pour débuter la pièce elle choisit une musique classique qu’elle interprète avec des mouvements empruntés au krump, si riches de tensions proches de celles délivrées par le jeu de l’extrait musical au violon.
Puis, les notes classiques sont suivies par une musique aux rythmes blues and jazzy lui donnant la possibilité d’effectuer une vraie transition et d’entrer dans la profondeur de son récit personnel.
C’est justement la Cité des Etoiles qui l’a inspirée, elle comprend en fait qu’« il faut transformer les hostilités en esprit créatif ». Mais quand elle retourne sur ce lieu à la fin de 2019, le bâtiment 12 où elle vivait n’existe plus, mais son corps et sa sensibilité vibrent, puisant dans une mémoire vivante.
Ainsi, elle continue sa recherche personnelle et interroge la notion d’érotisme lors d’une de ses premières pièces au CND trouvant une réponse dans le livre d’Audre Lorde, Sister outsider (1970), où l’écrivaine afro-américaine en souligne les composantes emplies de force vitale et de puissance créative.
Le récit s’enrichit de l’expérience du voyage au Japon où Nach rencontre le butō, surtout elle est capturée par la philosophie qui l’anime, une philosophie de « suspension » ouvrant à la danseuse les dimensions des corps transformés, sensuels, ainsi qu’une vision de la mort différente de celle de notre culture occidentale.
Nach aime les prises de risque et ne s’arrête pas dans sa recherche personnelle, en se tournant aussi vers le flamenco. Mais le désir d’être une bête de scène l’anime et c’est le message qu’elle livre dans le final de cette conférence dansée. Ses modèles sont Nina Hagen dont elle utilise une vidéo sur le plateau ou l’esprit du festival Woodstock des années soixante-dix. Son corps signifiant, porteur de messages politiques, est plus que jamais symbole d’«éloquence de hurlements ».
Lyon, Usines Fagor, 22 Septembre 2023
Antonella Poli