Liberté Cathédrale
Chorégraphie : Boris Charmatz
Distribution : Association Terrain/Tanztheater Wuppertal Pina Bausch
Boris Charmatz & Tanztheater Wuppertal Pina Bausch & Terrain, Liberté Cathédrale, 2023 -ph.Blandine Soulage
La Biennale de la danse de Lyon 2023 a accueilli la dernière création de Boris Charmatz, Liberté Cathédrale.
La nouvelle pièce du chorégraphe français devenu directeur du TanzTheater Wuppertal Pina Bausch était très attendue, d’autant plus que c’était une première française depuis qu’il conduit la troupe allemande et que d’autre part la pièce réunissait des danseuses et des danseurs provenant de Terrain ( institution dirigée par Boris Charmatz) et du TanzTheater Wuppertal Pina Bausch.
L’origine de la pièce
L’origine de ce projet a des racines plus lointaines et nous avions suivi le projet.
Le thème de la cathédrale et surtout l’imaginaire lié à ce lieu interrogeaient Boris Charmatz qui, nous le rappelons, avait aussi présenté son solo Somnole dans l’Eglise Saint Eustache de Paris le 14 décembre 2021. Quelques jours avant, le 7 décembre, il avait convié son public dans l’Eglise du Saint-Esprit à Paris (XIIème arrondissement) pour explorer les sonorités de l’orgue contemporain avec le musicien Hampus Lindwall, invitant à la fin de la séance les spectateurs à improviser sur la musique; puis le 7 février 2022, lors d’une conférence, il avait approfondi le thème de la cathédrale avec Emma Bigé. Enfin, à l’issue d’un atelier de résidence en juin 2022, toujours dans l’Eglise du Saint-Esprit, il avait présenté un Impromptu avec onze danseurs, un prélude de la création en gestation.
La réflexion autour du concept de cathédrale tel qu’il est ressenti pouvait être un point de départ : la recherche de ses significations incarnées par notre culture, de ce qu’il peut susciter dans l’opinion publique, faisait réfléchir le chorégraphe. Bien sûr la cathédrale nous ramène à l’idée d’assemblée ou bien de communauté. Rendre vivants les pensées et les sentiments qui peuvent l’animer dans notre époque contemporaine constituaient de possibles propos.
Boris Charmatz & Tanztheater Wuppertal Pina Bausch & Terrain, Liberté Cathédrale, 2023-ph.Blandine Soulage
Entre orgue et cloches
Aux Usines Fagor, une ample salle accueille le public distribué tout au long de son périmètre. Le début est puissant : les danseurs se présentent au public en alternant des courses libératoires et effrénées, avec des moments plus statiques où chacun s’exprime avec une gestuelle personnelle, manifestation d’un état d’âme déchiré ou souffrant. Boris Charmatz nous avait déjà habitué à un telle exploration sur la diversité des « gestes possibles » avec sa pièce 10 000 Gestes. D’ailleurs ce soir il danse, son regard attentif vers son groupe est présent et on le remarque. Chutes et reprises debout soudaines créent le rythme de la pièce. D’une part on constate une forte cohésion du groupe et, d’autre part, l’affirmation de chaque individualité prédomine, chacun incarnant sa présence au monde.
Les danseurs gèrent l’espace dans leurs déplacements vigoureux, leurs rapprochements vers le public l’interpellent en sollicitant sa sensibilité dans une atmosphère de partage. Les notes majestueuses de l’orgue qui ont ouvert la pièce sont suivies de sons de cloches dont la gravité et le rythme régulier inspirent les mouvements synchrones des interprètes. Dans la salle aux lumières basses, dans le silence, les danseurs entrainent des personnes du public dans une ronde où le message récité et répété en guise de prière est : « L’homme n’est pas seul sur le continent ». Un moment d’épuisement se produit.
Boris Charmatz & Tanztheater Wuppertal Pina Bausch & Terrain, Liberté Cathédrale, 2023-ph.Blandine Soulage
L’orgue reprend, les corps sont guidés par une certaine inertie, se laissant aller à des sensations dictées par la musique pour ensuite opposer leur résistance. Le style du langage chorégraphique de Boris Charmatz, toujours engagé à explorer les possibilités sensibles du corps, s’affirme en toute liberté : sa cathédrale représente symboliquement une humanité déchirée et angoissée, montrant toute sa fragilité. Il en résulte un spectacle qui peut décevoir ceux qui s’attendaient à une interprétation plus proche de l’âme du TanzTheater Wuppertal Pina Bausch mais qui, en revanche, doit être apprécié comme une œuvre indépendante, sans chercher des références inhérentes au passé de la prestigieuse compagnie allemande.
Les prochaines dates pour assister à Liberté Cathédrale sont :
- 14-19 Décembre 2023 – Opéra de Lille
- 7 – 18 Avril 2024 – Théâtre Châtelet, Paris
Lyon, Usines Fagor, 22 septembre 2023
Antonella Poli