Giselle
Depuis 1841, année de sa première représentation, le ballet Giselle n’a jamais cessé de nous enchanter. L’histoire de la simple villageoise qui meurt à cause de la trahison de son aimé a été réimaginée par Akram Khan pour l’English National Ballet. Le chorégraphe, devenu célèbre pour avoir su créer son style personnel en mariant le Kathak, danse traditionnelle du Nord de l’Inde, avec la danse contemporaine, modernise ce ballet, en réinventant l’argument, le décor et les costumes sur les compositions sonores de Vincenzo Lamagna.
Depuis 2016, année de sa création, ce ballet n’avait été jamais représenté outre-Manche. Transcendanses accueillera l’English National Ballet au Théâtre des Champs Elysées de Paris du 12 au 15 Octobre prochain pour cette première européenne.
Giselle a un nouveau visage : elle travaille dans une usine textile de Manchester à la fin du XIXème siècle, période marquée par une profonde crise économique. Cela crée un parallélisme avec la terre natale d’Akram Khan, le Bangladesh, où l’industrie textile traversa les mêmes années difficiles que l’Angleterre dans la deuxième moitié du XIXème siècle. En fait, Akram Khan fonde sa version sur les problématiques sociales et les luttes de classe liées aux difficultés économiques et aux conséquences de l’exploitation des ouvriers.
Quant à Albrecht, l’autre personnage principal, il est le fils d’un des propriétaires des usines. La présence de l’histoire d’amour entre Giselle et Albrecht reste intacte, même si le ballet se clôt avec un message bien loin de celui de la version classique. Le ballet dévoile une force extraordinaire : la puissance du langage contemporain d’Akram Khan se conjugue avec le classique. Par exemple, la présence des arabesques, positions emblématiques de l’ancien ballet, s’intègre aux nombreux lifts prévus par la chorégraphie qui réserve au public des moments de poésie.
Les pas de deux, apparemment simples, parlent au cœur du public. Giselle et Albrecht transmettent sur scène toute leur joie et l’émotion de leur flirt avec beaucoup de générosité et de manière très naturelle.
La scène de la folie qui clôt le premier acte se déroule dans le silence et dans l’immobilité de Giselle au sol. Dans le deuxième acte, les Willis, (dans la version classique, les jeunes filles mortes par amour) incarnent des femmes qui ont succombé au dur travail. Les cannes en bambou qu’elles serrent dans leurs mains représentent à la fois leurs outils de travail et leurs armes de combat contre leur condition d’esclaves. Leurs habits sont bien divers des tutus blancs : elles sont pauvrement vêtues, leurs jupes entourant leurs corps comme des serpillières. Dans cet acte, Akram Khan introduit les pointes : les Willis, frappant le sol avec leurs cinquièmes croisées, semblent s’approcher du public pour l’envahir. Myrtha reste toujours très autoritaire, même si son rôle s’adoucit et demande une plus grande capacité interprétative. Le final voit disparaître Albrecht derrière un mur, seul élément du décor, symbole marquant la différence de classe existante entre lui et Giselle, la distance entre la vie et la mort.
La musique contemporaine de Vincenzo Lamagna est très originale tout en reprenant les thèmes les plus célèbres de la partition d’Adolphe Adam. Elle accompagne et met en valeur la nouvelle dramaturgie du ballet.
Au Théâtre des Champs Elysées du 12 au 15 Octobre 2022
Antonella Poli