Joyaux
Chorégraphie : George Balanchine
Distribution : Les premiers danseurs, les solistes et le Corps de Ballet du Théâtre La Scala de Milan
Musiques : Gabriel Fauré, Igor Stravinsky, Piotr Ilitch Tchaïkovski
Joyaux est un ballet en trois parties, Eméraudes, Rubis et Diamants, de George Balanchine, créé en 1967 pour le New York City Ballet.
Le chorégraphe fut inspiré des « joyaux » de Van Cleef & Arpels, émeraudes, rubis et diamants exposés dans les vitrines des bijoutiers de la 5ème Avenue de New York et en même temps il voulut rendre hommage à la beauté des femmes, notamment ses ballerines. Il associe les trois pierres précieuses aux trois univers qui marquèrent sa vie : les diamants rappellent les fastes impériaux de Saint Pétersbourg, ville de ses débuts de danseur et de chorégraphe au théâtre Mariinsky ; les émeraudes symbolisent la France, pays de son exil et de sa collaboration avec Diaghilev ; les rubis, New York, où il créa le New York City Ballet.
Le choix des compositeurs des musiques rappelle ces trois pays : Gabriel Fauré pour Emeraudes, Igor Stravinsky pour Rubis, Piotr Ilitch Tchaïkovski pour Diamants. Ce ballet offre donc l’opportunité de se plonger dans la créativité du génie de George Balanchine grâce aux trois parties bien distinctes aux styles différents, ancrées dans le patrimoine classique de l’art chorégraphique. Le public peut être gâté, chaque spectateur pouvant entrer en syntonie avec chaque séquence selon sa sensibilité.
Le Ballet du Théâtre La Scala de Milan, est retourné sur scène au complet, faisant briller les pierres précieuses de Balanchine, après les difficiles mois de décembre et de janvier où l’épidémie de la Covid-19 avait touché plusieurs danseurs.
Émeraudes surprend par son romantisme et par son harmonie ; il représente le sommet de l’Ecole française. La première danseuse Martina Arduino incarne l’élégance : ses pas éthérés accompagnés par des ports de bras légers marquent l’espace scénique occupé par un corps de ballet qui dessine des géométries précises comme celles des facettes des pierres précieuses. Les développés, les piqués, les arabesques se suivent. La soliste Alice Mariani qui débute dans ce ballet assure sa performance grâce à sa maîtrise de la technique classique.
Le premier danseur Nicola de Freo se remarque dans le pas de trois, un passage où les interprètes mettent en valeur l’élan de la musique, des extraits des suites de Pelléas et Mélisande et de Shylock de Gabriel Fauré. Au fond de la scène, une toile qui laisse briller en transparence une émeraude entoure le corps de ballet.
Dans Rubis, on respire toute l’atmosphère de Broadway. Le romantisme laisse la place à l’effervescence des scènes newyorkaises aux rythmes jazzy. Le langage chorégraphique est composé de mouvements séduisants, malicieux et picotés où les mouvements de hanche deviennent caractéristiques comme dans le modern jazz. Balanchine mélange parfaitement les codes classiques avec des mouvements qui laissent une meilleure liberté d’expression. La musique syncopée de Stravinsky, le Capriccio pour piano et orchestre, rythme les danseurs dans leur effervescence.
Maria Celeste Losa et la première danseuse Virna Toppi brillent comme des stars de comédies musicales, scintillantes dans leurs guêpières rouges tenant lieu de costume. Virna Toppi et Claudio Coviello donnent vie à des pas de deux dansés avec brio et gaieté en suivant les accents de la musique.
Diamants est un hommage à la tradition russe du ballet, héritée de Marius Petipa. Le choix de la musique, la Troisième Symphonie, op.29 de Tchaïkovski, auteur des ballets les plus importants de l’époque impériale en est une preuve. Les tutus classiques blancs brodés estampillés sur une scène épurée s’intègrent à la reproduction d’un ciel étoilé. En fait, une toile bleu ciel constitue le fond du plateau avec des éclairages projetant au plafond une voie lactée.
Cette partie à une allure tout à fait impériale ; la chorégraphie est parfaitement conçue pour évoquer les fastes de l’ancienne Russie. La similitude avec les anciens ballets est évidente car on y retrouve certaines figures dansées, notamment du Lac des Cygnes et de Casse-Noisette. Les deux premiers danseurs Nicoletta Manni et Timofej Andrijashenko donnent du lustre à toute l’élégance et l’équilibre « royal » dont Petipa excelle. Les penchés arabesques, les piqués et les cambrés de la Manni en sont des exemples, tout comme les variations techniques de son partenaire. Les pas de deux sont romantiques, le rôle de la ballerine est mis en valeur dans toute sa splendeur. Le Corps de ballet entoure, comme une couronne de diamants, les deux interprètes principaux : leurs jetés, sissonnes et glissades cisellent la chorégraphie. Le final est resplendissant et captivant, rendant hommage à l’actualité du patrimoine classique.
Jusqu’au 24 Mars 2022, Théâtre La Scala de Milan
Antonella Poli