Hommage à Roland Petit

Chorégraphie : Roland Petit

Distribution : Les étoiles, les premiers danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra national de Paris

Laura Hecquet et Hugo Marchand, Le Jeune Homme et la Mort- ph.Ann Ray

Le Ballet de l’Opéra national de Paris retrouve les scènes du Palais Garnier en ce mois de juin en proposant le programme Hommage à Roland Petit.

Les trois ballets choisis pour honorer le chorégraphe français, Le rendez-vous, Le Jeune Homme et la mort et Carmen, ont un dénominateur commun : le rapport amour-mort, analysé sous différentes facettes : séduction, mal être psychologique et jalousie conduisent les héroïnes des pièces à la mort.

Roland Petit s’est affirmé dans l’histoire de la danse comme un grand successeur des chorégraphes des Ballet Russes du fait qu’il a su s’entourer d’artistes de différentes disciplines en vogue à son époque. Il a surtout privilégié des ballets narratifs, valorisant et explorant les facettes psychologiques des personnages au travers de sa danse. En fait, la plupart d’entre eux ont des caractères bien marqués, analysés de manière introspective par le chorégraphe.

La soirée commence avec Le Rendez-vous (1945). Roland Petit s’inspire d’un texte de Jacques Prévert, le rideau de scène est signé par Pablo Picasso et les décors sont de Brassaï.

Alice Renavand et Mathieu Ganio, Le Rendez-vous – ph.Ann Ray

L’interprète principal est un homme qui lit sur un prospectus son horoscope lui prédisant la mort. Un contraste se crée entre l’atmosphère liée au bal où se déroule la première scène et l’angoisse qui commence à traverser d’abord le visage, puis le corps du jeune homme. L’étoile Mathieu Ganio rentre dans le personnage, capable de montrer ses sentiments au travers de mouvements à la fois fulgurants et intenses. Bien qu’il arrive à vaincre son « Destin », figure symbolique incarnée dans la pièce par Aurélien Houette lui offrant un couteau, le jeune homme succombe à la « Plus Belle Fille du monde », l’étoile Alice Renavand, après une rencontre passionnée et un pas de deux de séduction. Le jeune homme est fasciné, il s’exprime avec délicatesse, caressant le corps de la femme qui se révèle indifférente sans vouloir cacher sa froideur et sa volonté d’affaiblir son partenaire. En fait, c’est elle qui marque son destin, sans pitié, en lui coupant la gorge avec un couteau.

Le Jeune Homme et la Mort (1949) reste un des chefs d’œuvre de Roland Petit. Le livret est de Jean Cocteau. Un jeune homme réfléchit sur son destin et peut être pense déjà à son suicide. Il est seul sur son lit, sa cigarette allumée et ses mouvements de bras véhiculent ses tourments intérieurs. Son regard sur sa montre nous le présente dans une attitude d’attente, de prise de décision imminente (le suicide) et, presque pour lutter, il se lance dans un solo prégnant, parfois acrobatique, émotionnel, accentué par les notes de la Passacaille BWV 582 de J.S. Bach. L’étoile Hugo Marchand est digne de ses prédécesseurs, notamment Jean Babilée et Nicolas Le Riche, pour l’intensité de son interprétation et pour sa capacité à savoir transmettre l’état d’angoisse et de faiblesse que traverse son personnage.

Laura Hecquet et Hugo Marchand, Le Jeune Homme et la Mort – ph.Ann Ray

L’heure tant attendue arrive : une femme entre, l’étoile Laura Hecquet ; elle joue sur son pouvoir de séduction et sur l’impuissance du jeune homme, allant jusqu’à lui montrer une corde, invitation pour la victime qui n’hésite pas à se pendre. Cocteau a symbolisé la mort par la femme, Roland Petit se l’approprie pour imaginer une chorégraphie qui alterne la valeur symbolique du personnage et ses qualités humaines et charnelles.

Carmen (1949), d’après le livret de Prosper Mérimée et les musiques de Georges Bizet, clôt la soirée. Partant de l’opéra romantique et conservant le style classique, le ballet se déroule dans les bidonvilles de Séville, Petit s’inspirant aussi de la comédie musicale. Les cinq tableaux se succèdent avec une bonne dynamique, offrant une chorégraphie très mouvementée soutenue par la vivacité des costumes et par le rythme de la musique.

Carmen est la femme sans mœurs, impitoyable envers ses proies masculines. L’étoile Amandine Albisson ( Prix Benois de la Danse 2021) a imprégné son personnage avec son vécu contemporain, mettant en relief toutes ses capacités techniques et interprétatives. Les moments de lyrisme ne manquent pas, notamment dans la scène de la chambre où l’héroïne  danse avec Don José, l’étoile Stéphane Bullion, ou bien dans l’affrontement des deux amants. Ils luttent accompagnés d’une musique très rythmée, basée uniquement sur des percussions qui préparent la mort de Carmen.

Amandine Albisson et Stéphane Bullion, Carmen – ph.Ann Ray

Les trois ballets, dont le drame se construit à différents niveaux, dégagent encore une fraîcheur certaine.

A remarquer, en début de soirée, la diffusion d’un entretien avec Zizi Jeanmaire qui s’exprime en tant que femme du chorégraphe et surtout comme une de ses plus grandes interprètes.

Opéra Garnier, 7 Juin 2021

Antonella Poli

 

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