Danser encore
Danser Encore est un projet conçu par Julie Guibert, directrice du Ballet de l’Opéra de Lyon, visant à faire créer des soli pour trente danseurs de sa Compagnie.
Dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon, cinq créations ont été présentées.
Aux Subsistances d’abord dans la Verrerie et puis dans le Hangar, le public s’est confronté à cinq esthétiques différentes. Le premier solo de Noé Soulier, Self Duet dansé par Katrien De Bakker respecte parfaitement le style d’écriture du chorégraphe caractérisé par une grande précision des gestes basée sur la mise en valeur de la perception de chaque partie du corps de l’interprète. La danseuse explore au sol les connexions de ses articulations surtout celles des membres inférieurs, notamment celles des hanches, des genoux et des chevilles. Elle tourne allant jusqu’à explorer leurs possibilités de mouvement. D’abord en silence, puis accompagnée par un violon, elle retrouve la verticale pour ensuite s’adonner à des figures d’équilibres.
Le deuxième solo de Rachid Ouramadane, Jours Effacés, est conçu sur un autre registre, plus émotionnel, moins abstrait. Le danseur Léoannis Pupo-Guillen est accompagné sur scène par un enfant. Un dialogue s’instaure entre eux : le corps d’adulte vibre manifestant ses sentiments, fouillant sa mémoire. Sa danse est une affaire de cœur, malgré tout le mineur reste à distance osant de temps en temps le toucher, voire l’effleurer afin d’éveiller le passé.
Le deuxième programme, dans le Hangar est marqué par des chorégraphies contemporaines plus audacieuses.
Le solo de Nina Santes, La Venerina, fait référence à la statue anatomique en cire d’abeille, réalisée au XVIIIe siècle par Clemente Susini. La performance présente un corps allongé, comateux qui retrouve au fur et à mesure son état éveillé. D’abord, par des mouvements de mains incontrôlés, puis en traversant la membrane qui recouvre son corps pour se rapproprier ses sensations charnelles. Suivent des tremblements épileptiques, puis ce corps, montrant encore des blessures, se relève, terminant la performance avec des cris inquiétants.
Les deux autres soli du programme prennent en considération les différentes modalités de se mettre en relation de manière extérieure avec un objet ou d’atteindre intérieurement sa propre énergie.
En fait, le solo de Marco Moros, Love, met en scène un danseur complètement « aveugle » face à une boîte en carton qui lui impose et lui suggère ses actions. Jusqu’à quel point l’homme pourrait-il alors se sentir autonome ? La performance ne laisse pas le choix, montrant la faiblesse de l’intellect humain qui se plie à un jeu, presque trompeur.
Ioannis Mandafounis avec Komm und birg dein Antliz fait danser Yan Leiva sur le 6ème lieder de L’Amour et la vie d’une femme de Schumann. Le danseur s’exprime merveilleusement bien grâce à une gestuelle très fluide qui rend son corps très léger et immatériel en syntonie avec la délicatesse de la musique.
A remarquer dans la journée du 6 Juin, le riche défilé organisé au Théâtre Antique de Fourvière en honneur au programme Africa 2020. Une explosion de couleurs et de rythmes ont enthousiasmé le public grâce aussi à la présence de deux marraines exceptionnelles : la chorégraphe Germaine Acogny et la chanteuse Fatoumata Diawara qui ont su transporter le public, l’incitant à danser grâce à leur énergie et générosité artistique.
Lyon, 6 Juin 2021
Antonella Poli