Échos
Chorégraphie : Guillaume Côté
Musiques : Éric Champagne
Le Festival des Arts de Saint-Sauveur 2020 dans son édition numérique Une solitude partagée se termine. Cette fois, le directeur artistique de la manifestation l’étoile Guillaume Côté sublime le dernier film proposé en ligne intitulé Échos en tant que chorégraphe et interprète, sur une musique pour piano d’Éric Champagne jouée par le Directeur de l’Orchestre métropolitain Yannick Nézet-Séguin. Pour le compositeur, le poids de la contrainte à regarder la vie et le soleil par la fenêtre « comme les personnages du peintre Edward Hopper » s’allège grâce à cette initiative créative de Guillaume Coté.
La syntonie entre la danse et la musique se révèle prégnante, touchant nos cordes émotionnelles. D’ailleurs, le pianiste Yannick Nézet-Séguin exprime ses réflexions sur cette collaboration artistique à l’unisson en précisant que « on ne se perd pas dans qui on est individuellement, mais on partage, on fait un pont avec l’autre, ce qui ne veut pas dire se fusionner avec l’autre non plus ».
Cette idée marque effectivement le début de la création : Guillaume Côté et le pianiste, l’un à côté de l’autre, contemplent en surplomb depuis une scène installée sur l’un des monts des Laurentides, la merveilleuse forêt boréale de Saint-Sauveur. Le ciel nuageux, presque menaçant, surmonte le vaste paysage évoquant l’atmosphère romantique des tableaux du peintre allemand Caspar David Friedrich (1774-1840). Les deux artistes échangent un regard puis un sourire et leur alchimie surgit. Le pianiste prend place et le danseur effleure le piano comme pour matérialiser cette communion entre les deux arts, la musique et la danse.
Les vibrations des premières notes du piano inspirent un premier envol de Guillaume Côté qui, comme un aigle royal, développe son port de bras. Il tente, avec une série de pas avant-arrière successifs de s’éloigner de l’instrument, mais en même temps la résonance des deux notes musicales qui se répètent constitue un rappel, une exhortation à poursuivre ce dialogue. La musique caractérisée par une structure rythmique complexe inspire Guillaume Côté qui livre une danse à la fois libre et très codifiée où ses lignes d’étoile classique sont mises en valeur. La pureté de ses premiers passages chorégraphiques nous laisse imaginer la figure d’un nouvel Apollon, le dieu des Arts. Une attitude en douceur suivie d’un tour majestueux constitue le prélude à un geste d’ouverture vers le ciel où la silhouette se fige dans une pose statutaire.
La gravité de la sonorité des notes qui suivent contraste avec la légèreté et la fluidité de la séquence de pas qui suit : petits déplacements latéraux, pirouette, tour en attitude pendant lesquels le danseur impose sa force et son élégance sans jamais abandonner le rapport intime à la musique. Avec un sens du respect, il s’adresse au pianiste en le regardant intensément. La partition musicale se développe avec des mesures sémantiquement plus riches, inspirant des passages dansés plus dynamiques et plus voyagés dans l’espace. Une nouvelle et brève pause est propice à un autre moment de rapprochement et de contacts silencieux.
Une course libre circulaire autour du piano symbolise un embrasement et une forme d’internalisation du corps du danseur dans la musique. La même scène se répète quelques instants après, accentuée par une série de grands jetés en l’air ; l’aigle qui avait déployé ses ailes s’envole sur l’accélération de la musique. Il se pose et fixe son regard pensif vers de nouveaux chemins : en promenade attitude, il domine tout le paysage à 360 degrés.
Mais, à nouveau, la mélodie des notes qui s’enchainent rythmiquement comme scandées par un métronome amène le danseur à retrouver son âme jumelle, point de départ de cette création. Avec une série de piqués arabesques tendres, il rejoint le piano et les deux artistes se retrouvent en miroir l’un face à l’autre, enrichis par cette rencontre et leurs échanges en écho.
Le Festival des Arts de Saint-Sauveur s’achève après avoir offert gratuitement à son public, pendant deux mois, dix créations autour du thème de la solitude liée à la période du confinement, résultat de collaborations étroites des chorégraphes, des danseurs et des musiciens, avec pour seul témoin ou seul spectateur la Nature.
Rencontres, réflexions, solos en plein air dans les magnifiques paysages des Laurentides et découvertes poétiques des cours d’eau bordés de sapins, roches plates, terre moussue, sous-bois et cimes des arbres… ces « partenaires chorégraphiques », ont été possibles grâce aux tournages de ces films et à l’engagement passionnant de tous les artistes.
6 Septembre 2020
Antonella Poli et Jocelyne Vaysse