Promenade - Chroniques de Danse

Le Festival des Arts de Saint-Sauveur nous offre une septième rupture créative, Promenade, dans la « grande pause » sanitaire grâce au travail conjoint du danseur-chorégraphe Crazy Smooth et du compositeur Marc Hyland.

Crazy Smooth est le fondateur et directeur artistique de la compagnie de street dance B-boyizm, contribuant au développement général des danses urbaines. Connu et reconnu en tant que b-boy* au Canada et dans le monde, il est multi-primé, défendant cette discipline en tant qu’enseignant, juge et leader communautaire canadien depuis 1997.

Dans ce mois d’aout, il a reçu l’important prix Clifford E. Lee 2020 décerné par le Banff Centre for Arts and Creativity qui lui permettra de poursuivre le développement de sa création In my body un spectacle autour du thème du vieillissement et réunissant un groupe intergénérationnel de danseuses et de danseurs.

Pendant la période qui précède la création, stressé par l’annulation de ses engagements due au confinement, Crazy Smooth avoue à Guillaume Coté, directeur artistique du festival « se sentir mal… de se sentir bien » en disposant d’un temps libre imprévu. Exécutant quelques pas dans son salon, l’écran partagé avec Guillaume surprend l’irruption rieuse et impromptue de la petite fille de ce dernier, Emma. Si les rues sont désertes, il y a de la vie dans les familles !

Le musicien Marc Hyland se dit inspiré lors de cette « solitude partagée » en pensant à une atmosphère de clair de lune, tout en étant ramené à la réalité par la partition à écrire pour le solo de Crazy Smooth.

Alors que Crazy Smooth tente quelques essais hip hop en présence du clarinettiste Simon Aldrich, interprète de la création musicale de Marc Hyland, il précise que sa spontanéité répond simplement à la musique qui le stimule en tant que « axe réagi », en tant qu’idée d’un « mystère » « sans savoir » [ce qui va advenir]. Il ajoute que cette sensibilité à l’art et à l’environnement (la nature, les humains…), cette intensité immédiate et le recul plus calme que l’on peut avoir, nourrissent l’esthétique de ses mouvements.

A la fois chorégraphe et interprète de son solo, Crazy Smooth propose sa Promenade .

Le bruit de ses pas s’accordent avec le rythme d’un ruisseau au flux sonore qui introduisent à une course exploratoire au cœur de la forêt boréale. L’effet provoqué pour nous -public de la vidéo- est double : une immersion complète dans cette nature luxuriante et, d’autre part un partage du parcours personnel du danseur aux qualités corporelles exponentielles.

: Crazy Smooth-ph.André Chevrier

: Simon Aldrich-ph.André Chevrier

La clarinette fait naitre des pas précis, acérés, affutés. Le regard de Crazy Smooth cherche et son oreille écoute alors qu’il débouche sur des roches plates en bordure de la rivière. Parcourant avec rapidité et légèreté une enfilade de larges pierres, sauts, élans tournouyés sur un bras, accroupissements, figures basses de break-dance se succèdent. Son savoir, par ses mouvements « debout/au sol » qui s’enchainent, s’exprime dans une complexité remarquable. Agilité renouvelée et stylée, passage d’un moonwalk glissé, arrêt en équilibre et temps statiques marqués accompagnent les notes de la clarinette qui entretiennent un hip hop très inspiré.

C’est un jeu sautillé, mouvementé, suspendu, fluide qui se déroule joyeusement entre le danseur, la disposition des roches et les sons des tourbillons de l’eau et de la partition musicale.

C’est une fantaisie dansée, aléatoire, en partie improvisée, qui nous laissent admiratifs alors que les deux artistes en viennent à se faire face et se répondent en écho. Emotions, rencontres… de soi et de l’autre.

Antonella Poli et Jovelyne Vaysse

* Le « Be-boying » (be-boys et be-girls) renvoie aux origines du hip-hop en tant que style de danse pratiqué par des communautés afro- et latino-américaines défavorisées de New York et -peut-être- particulièrement celles du Bronx. Les figures du hip-hop, n’exigeant pas un savoir « savant » préalable, s’inventent : pop robotique, voging ondulant, flexing désarticulé, moonwalk glissé, smurf debout et breakdance au sol…Le hip-hop, rejoint les « danses urbaines » comme l’un des styles actuels de danses de rue, légitimé sur les scènes des théâtres contemporains.

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