Défier l’absence
Chorégraphie : Virginie Brunelle
Distribution : Sophie Breton
Musiques : Roozbeh Tabandeh
Le Festival des Arts de Saint-Sauveur nous a offert une sixième et double création le 9 Aout 2020.
Elle réunit la chorégraphe Virginie Brunelle qui conçoit « l’action comme une création intime » et la danseuse interprète Sophie Breton et, d’autre part Roozbeh Tabandeh qui compose un morceau musical aux emprunts et accents iraniens, joué par une violoniste expérimentée de l’Orchestre Métropolitain Marcelle Mallette.
Notre regard de spectateurs chemine de la cime des pins qui semble converger vers l’infini à l’alignement répétitif hypnotique de la plantation exerçant une fascination chez la chorégraphe. C’est la danseuse Sophie Breton, dans une tenue d’un vif rose framboise, qui nous fait découvrir cette forêt déserte et verdoyante, évoquant une atmosphère sacrée et ouvrant un dialogue : au décours d’une extension arrière du dos, elle contacte le sol herbeux et touffu, s’y allonge, le respire accroupie, puis dans un cabrement, se relève : elle défie sa solitude. Elle s’élance alors de tronc en tronc qu’elle enlace brièvement. Elle trépigne : roulades, déséquilibres et accroches du corps aux écorces, tourbillons et courses d’arbre en arbre, enjambées et déambulations titubantes… Interrompues par une rencontre ? Un tête-à-tête avec un arbre, tel un élu au sein de cette magnifique étendue de résineux, est suivi d’un abandon brusque et d’un saut pour s’agripper à un autre pin.
En vérité, quelle âme se cache dans cette forêt envoutante ? Comment surmonter l’absence humaine ?
Tous ces êtres de bois à la peau rugueuse, de sève, de résine, semblent multiplier leurs appels. La danseuse est comme enivrée par leurs odeurs, comme captivée par une saveur peut-être pas si inconnue. Ses ruades dansées, ses tours et arabesques, ses chutes, rebonds et enlacements fugaces trahissent une attirance magnétique : elle se propulse avec énergie de tronc en tronc et entreprend une longue course folle soutenue par le rythme accéléré du violon.
Nous -public de la vidéo- ne savons pas si Sophie Breton est dans une fuite désespérée ou dans une recherche haletante qu’elle s’est appropriée. Elle chancelle, reprend son errance poings serrés, tourbillonne et finit par stopper cet élan, éperdue et épuisée, ses yeux cachés par ses mains. C’est ainsi aveuglée que la danseuse avance alors lentement, guidée par le son aigu mono-tonal du violon tel un cri. En ouvrant les yeux, la vision de la musicienne rompt sa solitude et l’apaise.
Des gestes lents dévoilent son visage traversé par une émotion en syntonie avec le trémolo des notes et des derniers accords de la violoniste. Elle est en prise avec un voyage intime dont nous ne percerons pas le secret, laissant notre propre imagination nous transposer dans d’autres pinèdes qui réactivent nos chers souvenirs.
Antonella Poli et Jocelyne Vaysse