Vouloir c’est pouvoir

Après vingt-ans passés au Béjart Ballet de Lausanne en tant que premiers danseurs et maîtres de ballet, Kathryn Bradney et Igor Piovano ont décidé de continuer leur carrière en formant leur propre compagnie. Un choix motivé et dicté par le désir de s’exprimer de manière plus personnelle et de construire de nouvelles chorégraphies plus représentatives de leur esprit actuel. Ils mélangent avec harmonie le néoclassique avec des éléments de danse contemporaine.

Ils viennent de présenter à Lausanne leur nouvelle création, Vouloir c’est pouvoir, une pièce intime qui a comme propos de représenter les peurs de l’être humain, source de blocage pour avancer dans la vie. On attend, on attend, on attend toujours. Nous vivons souvent dans l’attente de pouvoir un jour réaliser nos rêves et confronter nos peurs, sont quelques mots clés de ce ballet.

Sans attendre, les chorégraphes ont travaillé avec les cinq autres danseurs de la compagnie pour entrer dans l’univers de leurs peurs et les dévoiler sur scène. Une tâche difficile, car nos peurs font partie de notre intimité. Le travail a été donc une sorte de catharsis, pour chaque protagoniste.

Une conversation pendant un dîner entre amis est le prétexte pour entrer dans l’argument. Ce n’est pas facile, certes, d’accepter ses propres faiblesses et d’en parler. Il faut avoir du courage pour se regarder dans le miroir et de se mettre à nu. Tous les protagonistes de la pièce dansent sur les musiques de Coda de Dustin O’Halloran. C’est un passage de la pièce initiatique, qui fait plonger les interprètes dans leurs replis intimes.

Chacun à son tour fait vivre ses sentiments, ses angoisses qui l’accompagnent dans la vie. Igor Piovano lutte contre l’obscurité, son corps est presque nu sur une scène sombre, éclairé juste par la lumière d’une lampe torche et la musique de First Steps par Régis Gobe donne le rythme. Une sculpture humaine apparaît sur scène, ses muscles en mouvement expriment tout son état de malaise vis-à-vis de l’obscurité. Il s’agit d’une grande preuve de sincérité et de responsabilité.

Puis c’est le tour de Pasquale Alberico, autre ex danseur du Béjart Ballet Lausanne. Il lutte contre le manque de toutes les personnes qui ont marqué sa vie. Comme décor, des tableaux avec des photos de certains d’entre eux : Maurice Béjart, Rudolf Noureev, mais aussi sa grand-mère. Entre une arabesque et une autre, sur les musiques de House of the Rising Sun par Eric Burdon, il revit les moments passés avec eux, accompagné par les autres danseurs qui défilent à côté de lui sur scène. Il danse en les suivant, en ayant aussi le courage de sourire, de prendre conscience avec ironie de ces ombres qui l’entourent dans sa solitude.

Sur les musiques de La Campanella de Paganini, interprété par David Garrett, Giuliano Cardone vainc sa peur de l’altitude. Il faut toujours monter une échelle dans la vie, quoi que ce soit. Ses compagnons, avec leur danse joyeuse, l’accompagnent pour franchir ce cap malgré toutes ses hésitations du début. Il se retrouve à monter même plus haut que prévu. Une leçon aussi de comment la force de l’amitié et des gens les plus proches peut faire des miracles.

Meetings Along the Edge par Philip Glass accompagne Kathryn Bradney dans ses rêves d’un Boléro qui l’avait vu plusieurs fois protagoniste. Elle est sur un cercle seulement dessiné par la lumière dans le noir de la scène, toute recouverte par une toile noire, comme une coquille. Elle lutte pour se libérer, ses bras se lèvent, son corps cherche la liberté. Elle est entourée par les autres danseurs qui courent, sautent et tombent au sol autour d’elle sans cesse. Elle ne peut que se sentir dépaysée, perdue quand elle arrive finalement à sortir de sa protection.

La danseuse est aussi protagoniste d’une interprétation profonde sur la chanson La ville s’endormait de Jacques Brel. Seule sur scène, plongée dans ses pensées, elle incarne l’histoire d’un rêve contrasté entre un corps qui se sent fatigué et les résonnances d’une mer qui chante et  » l’ombre d’une femme Demoiselle inconnue à deux doigts d´être nue sous le lin qui dansait « .


La rencontre autour d’un canapé de tous les protagonistes marque la fin de cette belle pièce, qui a encore une fois prouvé la capacité qu’a la danse de devenir un symbole de représentation des facettes de la vie humaine.

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