La Gran Partita ouvre la nouvelle saison de l'Opéra national du Rhin

Depuis son arrivée en 2017 à la tête du Ballet de l’Opéra national du Rhin, Bruno Bouché dirige cette compagnie avec une idée qui lui tient à cœur : développer un Ballet du XXIème siècle. Cela implique de s’interroger sur plusieurs facteurs notamment la formation des danseurs, les choix artistiques de la programmation mais aussi de réviser des dogmes qui encore identifient une compagnie de Ballet.

Avec La Gran Partita qui a ouvert la saison 2019-20 le 3 Septembre dernier, le directeur du Ballet de l’Opéra national du Rhin a donné un exemple concret de sa volonté d’ouvrir les portes vers de nouvelles conceptions de spectacle qui puissent donner de l’élan à des structures parfois immobilisée par la préservation de la tradition.

Comme musique, il a choisi la Sérénade n. 10 en si bémol majeur de Mozart, œuvre en sept mouvements, composée pour douze instruments à vent et une contrebasse. Dans son ensemble, elle s’inscrit dans le style galant de l’époque : elle est originale de par son instrumentation et car la clarinette est mise à l’honneur, une nouveauté ; puis elle est caractérisée par une joie grave et un souffle de liberté qui la traverse.

Bruno Bouché a donné carte blanche à sept de ses danseurs pour chorégraphier chaque mouvement. Et le résultat a été un régal d’inventivité, de fantaisie et de générosité, grâce aussi aux interprètes, qui ont tout donné révélant toutes leurs qualités humaines et techniques. Les sept chorégraphes, (Pierre-Emile Lemieux Venne, Marwik Schmitt, Jesse Lyon, Eureka Fukuoka, Pierre Doncq, Mikhael Kinley-Safronoff et Rubén Juilliard) se sont confrontés à chaque mouvement avec leurs sensibilités singulières tout en adoptant des styles différents.

On a pu assister à un spectacle où la danse classique plus pure cohabitait sans dissonances avec la contemporaine. Le premier mouvement (Largo – Molto Allegro) dansé par Marin Delavaud et Pierre Emile Lemieux Venne, a été un sketch joyeux et ironique, un jeu contemporain entre copains qui a tout de suite marqué la soirée. Le deuxième mouvement, dansé et chorégraphié par Marwik Schmitt, a montré un personnage solitaire, intraverti, qui lutte d’une part pour se libérer de son armature qui enveloppe son épaule et, d’autre part, pour défier ses faiblesses avec son épée. Un Don Quichotte moderne !

Dans le troisième mouvement, Adagio, dansé par Noemi Coin, Jesse Lyon, Alice Pernão, nous retrouvons la pureté de la danse classique, avec un pas de trois fluide, harmonieux évoquant les lignes de Balanchine. Le quatrième mouvement (Menuetto – Allegretto), dansé et conçu par Eureka Fukuoka, s’appuie sur un langage contemporain introspectif et très délicat. Le rideau transparent bleu ciel devient symboliquement un moyen pour séparer le réel de l’imaginaire, ce qui est tangible de ce qui est inaccessible. La finesse des mouvements de la danseuse-chorégraphe créent une atmosphère d’apaisement invitant à la réflexion.

La douceur de la mélodie et les vibrations des notes du cinquième mouvement, Romance (Adagio-Allegretto) sont accompagnées par la flexibilité et la plasticité du corps aux lignes allongées de la danseuse Dongting Xing, interprète sur pointes d’un solo néo-classique de Pierre Doncq. Dans les sixième et septième mouvement, la danse contemporaine revient, caractérisée par de mouvements très dynamiques et rapides. À partir d’une seule œuvre musicale, La Gran Partita s’enrichit d’une structure chorégraphique qui dessine une histoire parallèle. Simultanément aux sept mouvements, sept chapitres chorégraphiques d’auteurs différents forment une œuvre unitaire et compacte, ce qui est remarquable car Mozart avait composé seul la partition. La liberté chorégraphique et l’expressivité des corps dansants de cette soirée ont été les facteurs clés de son succès.

Antonella Poli – Strasbourg, Opéra national du Rhin, 3 Septembre 2019

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